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Tout ce qu’il faut savoir sur le plan Puebla Panama

Miguel Pickard

mardi 18 janvier 2005

Tout ce qu’il faut savoir pour comprendre ce vaste plan qui englobe le Mexique et l’Amérique centrale

Le triomphe de Lula au Brésil aura certainement pour effet de rendre plus difficiles les négociations continentales sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), traité qui inclut, comme l’indique son nom, la totalité des pays du continent américain, à l’exception de Cuba. Certains y voient une occasion rêvée de faire avancer le traité de libre-échange entre l’Amérique centrale et les États-Unis et, par répercussion, le Plan Puebla Panama. L’article ci-dessous présente les éléments de base nécessaires à la compréhension de ce dernier projet dont l’objectif est le lancement de travaux publics considérables susceptibles d’attirer les investisseurs étrangers. On en attend officiellement des créations d’emplois et une réduction de la pauvreté, mais ce dernier point fait l’objet d’évaluations critiques.

Le Plan Puebla Panama est facile à comprendre. Il s’agit d’un énorme projet de construction d’infrastructures conçu pour favoriser les grandes entreprises, dans une région qui comprend neuf États du sud-sud-est du Mexique et les sept pays d’Amérique Centrale.

D’où vient l’impulsion du Plan Puebla Panama ?

L’impulsion semble être donnée par le Mexique plus que par n’importe quel autre pays, puisque la conception de ce plan est imputée au gouvernement de Vicente Fox. Mais, en réalité, il trouve son origine dans des plans et des projets imaginés antérieurement par la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement (BID) pour le Mexique et l’Amérique centrale. Après la prise de pouvoir de Fox en décembre 2000, son gouvernement a réuni divers projets régionaux du Mexique et de l’Amérique centrale en un seul "paquet" qu’il a appelé Plan Puebla Panama. Puis il l’a présenté aux mandataires d’Amérique centrale lors d’un sommet qui s’est tenu en El Salvador le 15 juin 2001. Et le Plan Puebla Panama a été approuvé par la suite.

Le Plan Puebla Panama a-t-il un rapport avec l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ?

Oui. L’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) est l’accord commercial entré en vigueur entre les États-Unis, le Canada et le Mexique en 1994. Il fixe les "règles" des échanges commerciaux entre ces trois pays. Aujourd’hui, les États-Unis cherchent à étendre ces mêmes règles aux 34 pays de l’Amérique du Nord, Centrale et du Sud et à ceux des Caraïbes, sauf Cuba, à l’intérieur d’une zone commerciale dénommée ZLÉA (Zone de libre-échange des Amériques). La ZLÉA revêt une dimension géopolitique très importante pour les États-Unis. Elle crée un bloc commercial unique, "de l’Alaska à la Patagonie", sous la tutelle des États-Unis, qui seront ainsi mieux armés pour lutter contre leurs concurrents commerciaux : les Européens et les Asiatiques. La ZLÉA placera le continent américain sous la domination commerciale des États-Unis. Les accords commerciaux défendus par les États-Unis (ALENA et ZLÉA) sont une condition nécessaire à la création d’un "bon climat" comme celui que recherchent leurs grandes entreprises. Le Plan Puebla Panama entre dans cette logique, mais il présente une coloration particulière puisqu’il canalisera des milliards de dollars de fonds publics, de ressources gouvernementales, pour le développement des infrastructures que les grandes entreprises demandent et dont elles ont besoin.

En quoi le Plan Puebla Panama est-il lié à d’autres plans ?

Le Plan Puebla Panama est lié à un autre projet d’infrastructures en cours en Amérique du Sud et dénommé IIRSA (Initiative pour l’intégration régionale de l’Amérique du Sud). Le Plan Puebla Panama et l’IIRSA visent à une même chose : créer les infrastructures de base, ou améliorer celles qui existent, afin d’inciter les grandes entreprises à investir. La construction et la modernisation des infrastructures permettront aux entreprises d’accroître leurs revenus grâce, entre autres avantages, à une facilitation des mouvements de marchandises à destination ou en provenance de notre région, et à une amélioration du réseau routier. Le plus remarquable est que le coût de tous ces projets d’infrastructures sera en grande partie à la charge des populations des pays participants. Les travaux seront payés par nos impôts, ou par le biais de prêts octroyés par la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Banque mondiale, qui aggraveront la dette extérieure et qui, à long terme, devront aussi être remboursés par les contribuables.

Qui seront les principaux bénéficiaires ?

Les principaux bénéficiaires seront les grandes entreprises américaines. Le Plan Puebla Panama facilitera les investissements des sociétés transnationales dans une région très riche en pétrole, en minerais, en forêts, en biodiversité, en eau et en attraits touristiques. La zone que nous occupons est l’une des régions du monde où la biodiversité est la plus importante, ce qui la rend particulièrement intéressante pour les entreprises pharmaceutiques, celles qui commercialisent des semences, et les entreprises biotechnologiques qui travaillent sur les manipulations génétiques. Elle représente en outre une zone géographique d’un grand poids stratégique : elle constitue la ceinture de l’Amérique, la partie la plus étroite du continent, ce qui en fait un couloir naturel pour le commerce entre l’Est et l’Ouest.

Le Plan Puebla Panama profitera-t-il uniquement aux entreprises américaines ?

Certes, les investisseurs à la recherche de profits dans la zone couverte par le Plan Puebla Panama peuvent venir de n’importe quelle partie du monde, mais les entreprises états-uniennes seront à coup sûr les principales bénéficiaires. Et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que la zone du Plan Puebla Panama est depuis le XIXe siècle le "pré carré" des États-Unis et que, depuis cette époque, les États-Unis manoeuvrent pour y faire prévaloir leurs intérêts politiques et commerciaux. C’est ce qu’a déclaré leur secrétaire d’État, Colin Powel, avec une franchise qui peut surprendre : « Notre objectif, avec la ZLÉA, est de nous assurer le contrôle d’un territoire qui s’étend du pôle arctique à l’Antarctique auquel les entreprises nord-américaines puissent avoir librement accès et sur lequel elles ne rencontrent aucun obstacle ni aucune difficulté pour vendre nos produits, services, technologies et capitaux sur tout l’hémisphère. »

L’autre raison tient au fait que les stratèges américains en matière de sécurité manifestent un regain d’intérêt pour le Mexique et l’Amérique centrale depuis les attentats du 11 septembre, et que George W. Bush n’a pas tardé à proposer un nouveau traité de libre-échange avec l’Amérique centrale, en janvier 2002, et obtenu du Congrès le feu vert pour négocier avec habileté des traités commerciaux en empruntant la voie accélérée (fast track). Une autre raison importante vient de ce que la plupart des échanges commerciaux du Mexique et de l’Amérique centrale, à l’exportation comme à l’importation, se font avec les États-Unis. Dans le cas du Mexique, plus de 85 % de ses exportations sont destinées aux États-Unis, et un pourcentage comparable de ce qu’il importe vient du même pays. Dans une moindre mesure, l’Amérique centrale dépend également des États-Unis pour son commerce extérieur. Toutes ces raisons expliquent que ce seront les entreprises transnationales américaines, déjà très liées à cette région, qui profiteront le plus du Plan Puebla Panama.

Pourquoi cette région a-t-elle cédé ?

Selon l’explication officielle, il s’agit de promouvoir les investissements étrangers dans une région riche en ressources naturelles mais caractérisée par les niveaux de pauvreté les plus élevés de l’Amérique. Encouragée par la BID et la Banque mondiale, l’administration de Vicente Fox a présenté le Plan Puebla Panama comme un mécanisme permettant d’aborder le problème de la pauvreté dans la région d’une manière "intégrale". Selon le point de vue du gouvernement Fox et des stratèges néolibéraux, le problème de la pauvreté doit être abordé, mais pas nécessairement "réglé", parce que cela nous amènerait, pour commencer, à nous interroger sur les raisons d’une telle pauvreté. Dans l’optique néolibérale, pour s’attaquer à la pauvreté, il faut créer des emplois, et on compte pour cela sur les entreprises transnationales qui choisiront d’investir dans la zone du Plan Puebla Panama.

Pourquoi les entreprises n’ont-elles pas encore commencé à investir ?

Le principal souci des entreprises transnationales est de trouver dans le monde des endroits où elles puissent réaliser des bénéfices, mais comme les pays sous-développés de toute la planète se livrent aujourd’hui une grande concurrence pour attirer des investisseurs, ces entreprises peuvent "s’offrir le luxe" d’être sélectives. Elles veulent que les choses leur soient facilitées, qu’elles se déroulent à leur convenance et, autrement dit, que les gouvernements leur simplifient les problèmes d’infrastructures auxquels nos pays sont confrontés.

Les entreprises se posent diverses questions. Pourquoi installer des usines dans une région qui manque de sources d’énergie fiables ? Vu l’état du réseau routier, comment alimenter les usines en biens de production et comment en sortir les produits finis ? Lorsqu’elles ont besoin de grandes étendues de terre pour pratiquer la monoculture d’exportation, les entreprises doivent savoir si le secteur a été "débarrassé" des paysans ou si ces derniers ont été mis en disponibilité avec l’aval du gouvernement. De même, lorsqu’elles se proposent de prospecter des zones riches en biodiversité à la recherche de végétaux et de microorganismes intéressants, elles se posent la question de savoir si l’on a délogé ou neutralisé la population indigène locale pour leur garantir un accès facile et rapide à ces ressources sans risque de susciter un scandale. Avant d’investir le moindre centime, les entreprises transnationales veulent que tous les points aient été réglés. Sans compter les "cadeaux" habituels que leur font les gouvernements : terrains gratis pour construire leurs usines, électricité, eau et gaz gratuits, exonérations fiscales pendant des décennies, formation de leur personnel aux frais de l’Etat et autres "incitations".

Que fera le Plan Puebla Panama pour attirer des investissements ?

Un des principaux volets du Plan Puebla Panama est la construction de routes. Deux axes sont prévus. Le premier longera le golfe du Mexique, de la frontière du Texas jusqu’à la péninsule du Yucatán, avec des "dérivations" vers le Belize, le Guatemala et le Honduras. Le deuxième axe suivra la côte pacifique, de Mexico vers le Guatemala et l’isthme de l’Amérique centrale jusqu’au Panama. Il s’y ajoute la construction de 25 barrages dans la région du Plan Puebla Panama, qui produiront l’énergie nécessaire pour permettre l’industrialisation de la zone et pour satisfaire la demande énergétique des États-Unis. Cet élément est l’un de ceux qui présentent le plus de danger pour les populations indigènes. La construction de ces barrages devrait entraîner la submersion de milliers d’hectares de terres utiles et, en conséquence, la destruction de sites archéologiques, vieilles forêts, villes et communautés indigènes. On parle d’au moins deux barrages, et peut-être de cinq, sur le fleuve Usumacinta, qui sépare le Mexique du Guatemala. De même, de nombreuses infrastructures seront créées pour lier le golfe du Mexique au Pacifique. Un "canal à sec" est déjà en construction dans l’isthme de Tehuantepec, partie la plus étroite du Mexique, pour accélérer les mouvements de produits en conteneur dans le cadre des échanges commerciaux Est-Ouest.

Quelles sont les principales composantes du Plan Puebla Panama ?

Il comporte huit composantes qui, dans les documents officiels, se présentent généralement dans l’ordre suivant :

- développement durable,

- développement humain,

- prévention et réparation des catastrophes naturelles,

- promotion du tourisme,

- facilitation du commerce,

- intégration des réseaux routiers,

- interconnexion des réseaux électriques,

- intégration des services de télécommunication, avec l’AMI (Autoroute méso-américain de l’information).

Les quatre dernières composantes, qui représentent l’infrastructure nécessaire pour encourager les multinationales à investir dans la zone du Plan Puebla Panama, sont les plus importantes aux yeux du gouvernement Fox. Les crédits seront destinés essentiellement à l’amélioration des routes et, en second lieu, à l’interconnexion des réseaux électriques et à la facilitation du commerce. Ces huit composantes se traduisent par divers grands projets, au nombre de 28 au total.

De combien d’argent dispose-t-on pour le Plan Puebla Panama ?

Il serait question de quelque 10 milliards de dollars, mais certaines sources parlent de 25 milliards. Les principaux bailleurs de fonds sont la BID, la Banque mondiale, l’Union européenne, la Société andine de développement (SAD), la Banque centraméricaine d’intégration économique (BCIE) et les organismes de développement des gouvernements des États-Unis, du Japon, de l’Espagne et d’autres pays.

Certains pays visés par le Plan Puebla Panama se serviront de l’argent des contribuables pour créer ou améliorer des infrastructures. Le gouvernement mexicain, par exemple, a inscrit 550 millions de dollars pour le Plan Puebla Panama à son budget 2002. L’enveloppe initiale, de 742 millions, a dû être réduite. La plus grande partie de cette somme, environ 84 %, sera consacrée à la construction de routes. Plusieurs entreprises privées participeront au financement de certaines dépenses d’infrastructure. Elles n’ont d’autre but que de prendre le pas sur leurs concurrents et ainsi contrôler le marché. L’interconnexion des réseaux électriques offre un bon exemple à cet égard : le raccordement des lignes du Mexique et de l’Amérique centrale est un chantier dont le coût s’élèvera à 405 millions de dollars. L’entreprise espagnole ENDESA lui consacrera 45,8 millions et deviendra, par là même, copropriétaire du réseau.

Quelles seront les incidences du Plan Puebla Panama sur le développement ?

Tout dépend de ce que l’on entend par développement. Le Plan Puebla Panama est un plan de travaux publics ayant pour objectif d’attirer des investisseurs étrangers dans la région. Il est conçu pour satisfaire les intérêts d’entreprises. Certes, certaines de ces huit composantes sont censées apporter un remède à la pauvreté de la région, mais ce sont les composantes qui obtiennent le moins de crédits et qui sont les moins avancées. Les économistes néolibéraux prétendent que le Plan Puebla Panama contribuera au "développement social", mais ils suivent le raisonnement suivant : l’investissement privé créera des sources d’emplois, et l’emploi éliminera la pauvreté.

Raisonnement bien simpliste. Car l’investissement, qu’il soit public ou privé, n’entraîne pas automatiquement une amélioration du niveau de vie pour la majorité de la population si des mesures n’ont pas d’abord été prises pour mettre fin aux injustices structurelles qui existent au plan politique, économique, social et culturel. En fait, les investissements aggravent fortement la pauvreté, comme on a pu le voir ces vingt dernières années avec les investissements engendrés par les politiques néolibérales, qui n’ont pas mis fin aux injustices ancestrales, ont enrichi les plus riches et aggravé les inégalités. Dans le Plan Puebla Panama, rien n’est prévu pour remédier aux racines de la pauvreté structurelle.

Les mesures et projets inscrits au Plan Puebla Panama sont conçus en collaboration avec les grandes entreprises et en fonction de leurs objectifs. Ils ne sont pas pensés dans l’intérêt des 65 millions de personnes qui vivent dans la zone du Plan Puebla Panama et qui connaissent pour la plupart un état de pauvreté extrême, 75 % d’entre elles gagnant moins de deux dollars par jour. Pour toutes ces raisons, beaucoup d’organismes d’action sociale s’opposent au Plan Puebla Panama. Un des principaux motifs de cette opposition s’explique par le fait qu’ils prévoient que les ressources naturelles seront exploitées pour augmenter les bénéfices des entreprises, sans aucune préoccupation ou presque pour les populations qui seront directement touchées. La région du Plan Puebla Panama abrite une centaine de groupes ethniques, dont la plupart n’ont jamais entendu parler du Plan. Lorsqu’on les tient au courant et lorsque les pouvoirs publics ou les banquiers et les entreprises les consultent en y mettant les formes, c’est souvent pour obtenir leur caution en leur annonçant de vagues promesses ou en leur faisant miroiter quelques maigres avantages.

Que contient le Plan Puebla Panama sur l’environnement ?

Nombreuses sont les organisations sociales à s’opposer au Plan Puebla Panama à cause de ses effets sur l’environnement. Une de ses principales composantes est le dénommé Corridor biologique mésoaméricain, un des projets qui reçoit le plus de soutien de la part de la Banque mondiale depuis quelques années. Il vise à établir un lien, d’un bout à l’autre de la région du Plan Puebla Panama, entre diverses portions de territoire caractérisées par une biodiversité culturelle et biologique particulièrement riche. Bien qu’il soit dit que la flore et la faune seront protégées le long du Corridor, ces territoires seront ouverts aux entreprises pharmaceutiques, aux fabricants de semences et à d’autres firmes, qui sont tous désireux d’avoir accès à cette biodiversité pour breveter de nouveaux produits.

Pulsar, une des plus grandes entreprises mondiales de génie biologique et de semences, a passé des accords avec Conservación Internacional pour travailler dans la forêt lacandone du Chiapas. Conservación Internacional, qui se prétend une ONG écologiste, compte au sein de son conseil d’administration des cadres de grandes firmes comme Navigation Technologies Corporation, Eagle River, Inc., Hyatt Development Corporation, First Philippine Holding Corporation, mégaentreprise de gaz et d’électricité, USA Networks, etc. Quand on connaît les liens qui existent entre ce mégaprojet et les intérêts des grandes entreprises, il est difficile de ne pas voir dans le Plan Puebla Panama davantage un plan centré sur la production d’énergie et l’extraction de richesses naturelles, plutôt qu’un plan de développement.

Le Plan Puebla Panama n’aura-t-il pas des retombées positives sur les populations pauvres ?

Il est difficile de lui trouver un côté positif sachant qu’il s’agit d’un plan conçu dans l’intérêt des grandes entreprises. Nul doute qu’un plan de 10 milliards de dollars destiné au plus grand nombre serait très différent et privilégierait la construction d’écoles, de cliniques rurales et de pistes pour acheminer les produits agricoles, de préférence à des autoroutes payantes et à des barrages hydroélectriques.

L’un des avantages les plus rebattus dont le Plan Puebla Panama s’accompagnera pour les populations pauvres est le nombre d’emplois qui seront créés. Or ce sont fondamentalement des emplois dans des maquiladoras [entreprises de sous-traitance, cf. Dial D 2608, 2387, 2386, 2385, 2191, 2163, 2048] comme il en existe depuis 1966 à la frontière septentrionale du Mexique et comme il en existe déjà dans toute l’Amérique centrale. La majorité d’entre elles sont des usines d’assemblage qui importent de la matière première et des pièces d’autres pays et qui profitent de notre main-d’œuvre bon marché pour fabriquer des produits finis. Leur production est dissociée des besoins du pays d’accueil, et elles n’obéissent qu’aux intérêts des entreprises. Certes, les maquiladoras ont déjà fourni un emploi à des millions de personnes dans la zone couverte par le Plan Puebla Panama. Mais elles payent mal leur personnel, et leurs retombées pour l’économie du pays sont quasiment nulles. Par essence, les maquiladoras n’ont presque aucun compte à rendre au gouvernement du pays qui les accueille.

Aucune condition ne leur est imposée en matière d’environnement, de santé, de protection des travailleurs ni de relations du travail, comme l’exigerait le droit de s’organiser librement en syndicats. Sont également exclues d’autres règles voulant, par exemple, que ces entreprises utilisent des biens de production du pays ou qu’elles y transfèrent leur technologie. Et pourtant, voilà le modèle que l’on veut promouvoir au Mexique et en Amérique centrale avec le Plan Puebla Panama : une amélioration des infrastructures dans le cadre de tels projets et le versement de bas salaires à notre main-d’œuvre encourageraient les entreprises à créer des maquiladoras, et ces dernières pourraient employer un grand nombre de paysans expulsés de leurs terres pour céder la place à la construction de barrages hydroélectriques, élément essentiel du Plan Puebla Panama.

Y a-t-il d’autres solutions ?

Certes, et des solutions déjà bien avancées. L’Alianza Social Continental, qui regroupe différents organismes de défense des droits civils de toutes les Amériques, a élaboré une proposition différente de la formule du traité de libre-échange et des règles commerciales que l’on veut nous imposer dans la ZLÉA. Cette proposition a été approuvée par des centaines d’organismes d’action sociale et de défense des droits civils dans toute l’Amérique. Les documents de l’ASC peuvent être consultés sur sa page web www.asc-hsa.org ainsi que par l’intermédiaire de la RMALC, à Mexico, à l’adresse suivante : www.rmalc.org. Oui, d’autres solutions sont possibles, comme l’affirme Global Exchange : « Les stratèges et les experts veulent nous faire croire que l’intégration des entreprises au marché mondial est un phénomène naturel. Mais il n’y a rien de plus faux. Et il en est de même, du processus économique actuel que l’on appelle "mondialisation". Simplement, ce dernier a été imaginé et impulsé par quelques entreprises. Il se trouve dans le monde entier des citoyens qui sont en train d’ouvrir une nouvelle voie : la mondialisation par le bas, une mondialisation du peuple qui donne la primauté à la justice économique, sociale et politique lorsqu’il s’agit de commerce et d’investissements. Sur le continent américain, il existe des groupes de citoyens qui ont élaboré un nouvel accord pour les Amériques, et qui émettent des propositions pour l’instauration d’échanges commerciaux socialement acceptables et respectueux de l’environnement. »

Paru dans Envió (Nicaragua), novembre 2002.

Traduction : DIAL- Diffusion de l’information sur l’Amérique latine.

URL de l’article : http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=91