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Le Chiapas, toujours au cœur des stratégies de promotion touristique
Hermann Bellinghausen
mardi 26 juillet 2011
Le Chiapas, toujours au cœur des stratégies de promotion touristique
Promotion d’un grand programme touristique pour pallier la mode de la "fin du monde"
La tournée du président mexicain à Toniná annulée à cause de panneaux zapatistes
Toniná, Chiapas, 11 juillet 2011.
Les pressions renouvelées sur les bases d’appui de l’EZLN dans la zone de Toniná, commencées en février 2011 et dénoncées en deux occasions par le conseil de bon gouvernement du caracol de La Garrucha (La Jornada du 26 mai et du 11 juillet), coïncident en ce moment avec le lancement du nouveau grand plan touristique du gouvernement fédéral : "Mundo Maya 2012", annoncé par le président Felipe Calderón ce 21 juin au musée d’Anthropologie.
L’intention initiale du gouvernement fédéral était précisément de réaliser l’annonce du programme touristique sur l’esplanade de Toniná, mais quand l’équipe logistique gouvernementale de Los Pinos vint sur le site pour préparer l’événement et se rendit compte de l’existence de panneaux rouge et noir précisant que c’est un territoire autonome zapatiste (panneaux relativement habituels dans toutes les régions indigènes, en particulier dans la forêt Lacandone), il fut décidé de changer le lieu de la cérémonie afin d’éviter que le président descende de son hélicoptère en territoire zapatiste.
Le dimanche 20 juin des envoyés du gouvernement du Chiapas retirèrent les panneaux, emmenèrent l’un d’entre eux et couvrirent d’un "rideau" une grande banderole affichant les visages d’Emiliano Zapata, de Che Guevara et du sous-commandant Marcos, sur laquelle est signalé que ce sont des terres récupérées par l’EZLN, et dont l’organisation est liée au caracol de La Garrucha.
Durant la matinée du 21, le gouverneur du Chiapas, Juan Sabines Guerrero, vint sur place, très visiblement accompagné d’un groupe de Lacandons, et, tout comme les autres Etats du Mexique partis prenante de l’événement, il se connecta à la cérémonie présidentielle en cours dans la ville de Mexico via satellite. Mais sans panneaux.
Le programme touristique ambitieux imaginé par les autorités afin de profiter de la mode mondiale sur la fin du monde liée à de prétendues "prophéties mayas" et programmée pour le 21 décembre 2012, prétend attirer durant les dix-huit prochains mois des remorques de touristes nationaux et internationaux. En plus des infrastructures, 500 actes culturels sont prévus au Campeche, dans le Yucatán, au Quintana Roo et dans le Tabasco.
Le délégué gouvernemental d’alors, Horacio Schroeder Bejarano, aujourd’hui secrétaire des Transports, et le président municipal d’Ocosingo, Arturo Zúñiga, s’étaient présentés à Toniná un jour avant l’annonce présidentielle pour faire pression sur Alfonso Cruz Espinosa et Benjamín Martínez Ruiz, tous deux bases d’appui zapatistes, afin qu’ils enlèvent les panneaux mentionnés. "Ce n’est pas nous qui les avons mis, c’est le conseil de bon gouvernement, allez parler avec eux", a répondu Cruz Espinosa, tout en leur demandant le respect de l’accord signé par le même Schroeder et d’autres fonctionnaires quelque temps auparavant.
Parmi les exigences contenues dans cet accord, que les fonctionnaires dirent ne pas être en mesure de résoudre à cet instant, figure le retrait des charges administratives formulées à l’aide de fausses preuves à l’encontre de Cruz Espinosa, et pour lesquels une procédure judiciaire est en cours (que les autorités mêmes ont reconnu sans fondement, sans en retirer les charges pour autant), ainsi que la destitution de la directrice du musée du site local, Julieta Camacho Ramírez, "qui cherche tout le temps la division" et a été très active dans les tentatives de spoliation des terres à leur propriétaire.
Menace d’enlèvement
L’édile Zúñiga, lié au Parti d’action nationale et entrepreneur "très impliqué dans le négoce touristique", a menacé Cruz Espinosa d’enlèvement s’il ne "changeait pas d’attitude".
La zone de Toniná a toujours été une enclave "chaude". Y est localisée une grande base militaire, juste en face de la communauté zapatiste Nuevo Jerusalén. Aujourd’hui, le gouvernement vient de terminer la construction d’une école primaire adjacente au complexe militaire. Bien que des cas similaires aient été signalés comme inappropriés, poser côte à côte écoles et casernes militaires est un stratagème contre-insurrectionnel rassurant au sein des communautés indigènes.
Hermann Bellinghausen
La Jornada, Mexico, 12 juillet 2011.