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"Cinq éclairages pour se guider dans le brouillard du conflit de Bachajon"

lundi 16 février 2015

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Première éclairage : Le projet “Cancun Chiapanèque”

Un “Cancun Chiapanèque”, “l’entrée au monde maya”, “the mayan route, the end of the era, for you, a new journey” : la zone nord du Chiapas, un point crucial pour les plans de développement économique du gouvernement de l’Etat. En 2007, la presse s’est envolé à l’annonce du CIPP (Centre Intégralement Planifie Palenque), en stagnation depuis 8 ans. Les cascades d’Agua Azul, la Forêt Lacandon, les plages de Catazaja (sur les rives du fleuve Usumacinta), les cascades de Misol-Ha, le temple archéologique de Palenque ; un ensemble qu’on prétend connecter en un réseau de méga-projets. A l’idée de développer la mise en place d’hôtels, d’un parc thématique, d’un terrain de golf, de zones commerciales et de complexes résidentiels, est venu s’ajouter l’aéroport de Palenque (inauguré en 2014) et l’autoroute de San Cristobal-Palenque. Prises dans leur ensemble, ce sont au moins sept municipalités que ces infrastructures affecteraient directement : Catazaja, Chilon, Ocosingo, Salto del Agua, Tumbala et Palenque. (1)

Entre les projets et la réalité, entre les désirs des corporations
hôtelières et du bâtiment et puis la nature abondante de la région, il y a
les territoires ancestraux et les ejidos* des peuples indigènes, en
particulier des tseltales de Bachajon.

Deuxième éclairage : terre ejidale et défense du territoire

Il suffit de parcourir le roman Balun Canan* pour palper tant le méprit
structurel, colonial que la lutte pour la terre vécus par le peuple
tseltal depuis 522 ans. Suite à la révolution mexicaine de 1910, les
paysans ont pu être dotés de terres, au travers de la figure communale de
l’ejido. Suite aussi au soulèvement armé de l’Armée Zapatiste de
Libération National (EZLN) en 1994, les indigènes de tout le Chiapas ont
réussi à récupérer des mains des grands propriétaires terriens encore
d’autres terres.

Ces ejidos et ces biens communaux existent encore aujourd’hui. Certaines
de ces terres collectives sont des forets, d’autres sont utilisés pour le
bétail, la culture de maïs, le café.

Les tseltales de San Sébastian Bachajon ont eu le formulaire de base de
leur ejido bien tard, dans les années 1980. Celui-ci est constitué de près
de 70.000 hectares, ce qui en fait l’un des ejidos les plus grands du
pays. Comme dans tout ejido, les décision sur l’avenir de toute parcelle
de terres correspondent uniquement à l’Assemblée générale des
ejidatarios*. La figure du Commissaire ejidal (représenté aujourd’hui par
Alejandro Moreno Gomez), a pour charge unique la mise en exécution des
décisions de la dite Assemblée.

Le conflit et division qui existent aujourd’hui à l’intérieur de l’ejido
coïncident avec la date de lancement du projet de Centre Intégralement
Planifié Palenque (CIPP), et s’intensifie avec l’expulsion procédée le 2
février 2011 par un groupe armé provenant de la communauté de Pamala,
dirigé par Manuel Jiménez Moreno, et provenant de la communauté de Xanil, dirigée par Juan Alvaro Moreno, avec l’appui d’un déploiement de près de 800 éléments des polices de l’Etat du Chiapas et de la police fédérale. De plus, en mars 2011, l’ex-commissaire ejidal de San Sébastian Bachajon, Francisco Guzman Jiménez, signe un accord issu d’une table-ronde, composée de membres du cabinet de l’ex-gouverneur Juan Sabines Guerrero et de représentants de la communauté Agua Azul, concédant une partie du territoire au Gouvernement de l’Etat du Chiapas et à la Commission Nationale des Aires Naturelles et Protégées (CONANP). Ceci afin qu’elles construisent un guichet d’entrée sur les terres d’usage collectif de San Sébastian Bachajon, dans la zone limitrophe à la municipalité de Tumbala, sur le chemin conduisant aux cascades. Tout cela réalisé sans
consultation, ni consentement libre, préalable et informé [obligation
relative à la convention 169 de l’OIT envers les peuples indigènes].

Sur le lieu même des terres expropriées, les ejidatarios adhérents à la
Sixième Déclaration de la Foret Lacandone convoquée par l’EZLN, femmes,
enfants et anciens, maintiennent leur propre guichet d’entrée aux
cascades.

En février 2014, l’ejido tsotsil de Los Llanos (situé dans la municipalité
de San Cristobal de Las Casas, Chiapas) lance un recours juridique contre
l’autoroute prétendant affecter son territoire, suivant l’annonce publique
faite en ce sens en novembre 2013 par le secrétaire général du
gouvernement, Eduardo Ramirez Aguilar. En août 2014, une assemblée est
réalisée dans l’ejido voisin de San Sébastian Bachajon, San Jeronimo
Bachajon, qui se prononce fermement contre l’implantation de l’autoroute
San Cristobal-Palenque. C’est alors que surgit le Mouvement en Défense de
la Vie et du Territoire. Le 12 octobre, l’ejido Los Llanos célèbre le jour
de la résistance des peuples originaires en compagnie des autres peuples
et organisations en résistance ; parmi ceux-ci, San Sébastian Bachajon.

Troisième éclairage : agressions et violence de l’Etat

Juan Vazquez Guzman, porte-parole et coordinateur local des adhérents de
la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone, a été assassiné le 24 avril
2013. Personne n’a été arrêté par les communautés, et son assassinat n’a
toujours pas été éclairci. Juan Carlos Gomez Silvano, autre coordinateur
des adhérents de la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone, a lui été
assassiné le 21 mars 2014. Plus de 120 membres des adhérents à la Sexta
ont été arrêté par la police municipale et par la police de l’Etat du
Chiapas à différents moments depuis la fondation de l’organisation, en
2007. En ce moment, trois prisonniers politiques sont recensés, incarcérés
dans le Centre Etatique pour la Réinsertion Sociale des Inculpés numéro 12
(CERESO 12), dans la ville de Yajalon, Chiapas : Juan Antonio Gómez
Silvano, Mario Aguilar Silvano et Roberto Gómez Hernández.

(2)

Le 21 décembre 2014, dans le contexte de l’inauguration du Festival des
Résistances et des Rébellions Contre le Capitalisme, les adhérents de la
Sexta décident de récupérer le territoire où ils maintenant auparavant le
guichet d’entrée. Ils sont délogés le 9 janvier, par plus de 800
policiers. Le week-end dernier, ils décident encore une fois, le 11
janvier 2014, de récupérer le guichet en bloquant la route
Ocosingo-Palenque au niveau du carrefour d’Agua Azul. Ils y arrivent, mais
ils se font canarder par des flash-balls et des armes à feu de gros
calibre.

Des hélicoptères survolent le lieu et les maisons des adhérents, et les
prennent en photos. Selon l’information diffusée en ce moment, la police
et les personnes proches du commissaire ejidal encerclent les cascades.

Quatrième éclairage : la défense légale, aux côté de la défense
territoriale

Personne ne les a jamais consultés. Personne ne leur a demandé leur avis
pour savoir s’ils sont d’accord ou non avec les mégaprojets mentionnés.
L’autonomie exercée sur leur territoire a encore moins été respectée.
C’est pour cela que la défense légale de Bachajon, en plus de la prise en
compte de l’aspect agraire, repose entre autre sur la Convention 169 de
l’Organisation Internationale du Travail, sur la Déclaration des Nations-Unis, sur les Droits des Peuples Indigènes, et sur la Loi pour le
Dialogue, la Conciliation et la Paix Digne au Chiapas, qui attribuent aux
peuples le droit à la consultation préalable, libre et informée, le droit
au territoire et aux ressources naturelles et le droit à la libre
détermination.

Mariano Moreno Guzmán, fondateur de l’ejido et ancien de la communauté,
ex-commissaire ejidal qui a réussi à intégrer le formulaire de base de
l’ejido, a le rôle de “représentation de substitution” dans le jugement de
l’appel 274/2011 face au Septième Juge de District de Tuxtla Gutierrez,
Chiapas. Le 29 septembre dernier le Troisième Tribunal Agrégé de Tuxtla
Gutierrez a résolu le recours en révision 224/2014 contre le non-lieu du
jugement 274/2011, et décidé de remettre le cas à la Cour Suprême de
Justice de la Nation pour qu’elle exerce sa juridiction, en signalant
entre autres choses :

“Le recours est configuré correctement, du fait que son action juridique
cherche à défendre les droits collectifs de sa population face à la
complicité à laquelle fit preuve le commissaire ejidal avec les tentatives
d’expulsion entreprises par les autorités du gouvernement fédéral et de
l’Etat du Chiapas. Des aspects notables sont mis en lumière, comme le
refus et le manque d’accès à la justice des peuples indigènes, le respect
à leurs droits à la consultation, et à l’attribution du consentement
libre, préalable et informé”.

La seconde salle de la Cour Suprême de Justice avec le projet de la
ministre Chiapanèque Luna Ramos a décidé le 19 novembre 2014 de ne pas exercer sa juridiction sur le cas, ce qui ramènera sa résolution au
Troisième Tribunal agrégé de Tuxtla Gutierrez, afin qu’il procède à la
résolution des cas exposés de violations aux droits des peuples indigènes.

Cinquième Eclairage : Contre-information et médias libres à Bachajon

Divers médias de communication du Chiapas sont allés à Bachajon pour y
réaliser des documentaires, reportages et analyses sur les faits actuels.
Des sites internet comme Koman Ilel, Kolectivo Zero et Pozol, ainsi que
Subversiones et Radio Zapote (en plus du réseau « Tejemedios » et
d’autres encore [notamment en français : Espoir Chiapas, le CSPCL et
Libérons-les] ont diffusé des communiqués, des vidéos de témoignages et
des photos prises sur place. Les adhérents à la Sixième de Bachajon
eux-mêmes, en coordination avec le Mouvement pour la Justice du Barrio de New-York – solidaire avec l’ejido depuis 2011 - maintiennent un blog où
sont diffusés leurs plaintes, leurs pétitions et leur point de vue :

https://vivabachajon.wordpress.com/

De son côté « Masde131 » a réalisé il y a un an le documentaire suivant,
qui prétend remettre en contexte le combat pour la vie et sur la mort
engendrée autour des cascades d’Agua Azul :

https://www.youtube.com/watch?v=qJkVziBk214

NOTES

(1) :
*http://sil.gobernacion.gob.mx/Archivos/Documentos/2010/10/asun_2690699_20101014_1287105872.pdf

(Point d’accord du Senat sollicitant l’information sur le méga projet et
ses avancés déjà en 2010)

*http://www.cnnexpansion.com/obras/pulso-de-la-construccion/chiapas-se-perfila-como-el-nuevo-cancun
Note de CNN expansion : La presse s’est donné l’envole
*http://www.masde131.com/2014/10/de-la-raza-a-la-resistencia-los-perjuicios-de-la-carretera-san-cristobal-palenque/
*http://www.cgtchiapas.org/sites/default/files/mexicoparadiseindisputeft.com_.pdf

(2)
http://www.masde131.com/2014/09/y-ahora-apresan-y-torturan-a-tres-tzeltales-de-chiapas-tambien-del-congreso-nacional-indigena/
Apresan y torturan a tzeltales de Chiapas
http://www.masde131.com/2014/10/tejido-testimonial-de-cuatro-indigenas-presos-en-chiapas/
Tejido testimonial de cuatro presos indígenas en Chiapas