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Guerre de basse intensité au Chiapas : terrorisme d’État et paramilitaires

CSPCL

jeudi 22 mars 2007

Guerre de basse intensité au Chiapas : terrorisme d’État et paramilitaires

Dès novembre 2006, un certain nombre d’organisations et associations européennes qui suivent depuis longtemps l’évolution de la situation au Chiapas exprimaient leur préoccupation face à la recrudescence des violences orchestrées par des groupes paramilitaires contre des communautés indiennes au Chiapas. L’attaque perpétrée contre la communauté de Viejo Velasco Suárez, qui a causé quatre morts et plusieurs disparitions aurait dû alerter sur l’urgente nécessité de promouvoir par le dialogue une solution capable de désamorcer les conflits dont l’origine principale réside dans une injuste politique d’accès à la terre. Pourtant, en adoptant une attitude
partiale et indulgente à l’égard des agresseurs, les autorités ont démontré une fois de plus avoir choisi leur camp.

Depuis lors, les attaques et les menaces d’expulsions concernant parfois des communautés entières se multiplient. Elles concernent principalement des zones dans lesquelles, en l’absence de politiques agraires, les terres ont été occupées par des paysans indiens au moment du soulèvement zapatiste de 1994.

Durant toute cette période, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de récupérer ces terres, en grande partie administrées par les conseils de bon gouvernement qui fonctionnent au sein des communes autonomes zapatistes. Toutes les stratégies utilisées pour en reprendre le contrôle, qu’il s’agisse du redécoupage municipal, de la distribution clientéliste de projets de développement, de la mise en place de programmes de
parcellisation des terres collectives ont eu pour conséquence d’approfondir la division des communautés. Face à l’échec des politiques institutionnelles, les autorités ont recours aux groupes paramilitaires, qui
n’hésitent pas à mettre à feu et à sang les zones qu’ils espèrent pouvoir mettre sous leur coupe. Masquant leur véritable nature sous divers sigles (MIRA, Chinchulines, OPDDIC, UCIAF, Paz y Justicia, URCI, etc.) qui leur
confèrent le caractère légal d’organisations œuvrant au développement communautaire, certains de ces groupes bénéficient de subventions gouvernementales, de protections de la part de personnalités politiques dont
ils servent les intérêts, lesquels en échange leur garantissent l’impunité pour tous les méfaits et crimes commis.

L’activité des groupes paramilitaires qui s’est notablement accrue depuis l’élection du nouveau gouvernement de l’État du Chiapas (qui a suivi d’un
mois l’élection présidentielle en juillet 2006) va de pair avec une augmentation de la présence de l’armée fédérale. Depuis plusieurs mois, tant les communautés zapatistes que les groupes d’observateurs présents dans
la région ont signalé de nombreuses incursions militaires, sous prétexte de combattre le narcotrafic. Plus récemment, les dénonciations concernant l’entraînement de groupes paramilitaires à proximité des casernes par des membres des forces armées se sont multipliées.

Connue depuis 1998 pour sa collusion avec les forces armées et son implication dans divers conflits qui ont secoué la région d’Ocosingo et d’Altamirano, l’OPDDIC a depuis quelque temps intensifié ses activités belliqueuses et étendu son rayon d’activités à plusieurs communautés intégrées aux différentes communes autonomes zapatistes de la région. Depuis plusieurs semaines, celles-ci n’ont cessé de dénoncer les agressions et les
actes d’intimidations de la part des membres de l’OPDDIC : bétail lâché dans les champs cultivés ; agressions contre des femmes revenant avec du bois de chauffe ; barrages pour empêcher les habitants de la communauté
d’accéder à leur parcelle et irruption d’hommes armés dans les communautés afin de provoquer la fuite des habitants...

En écho à l’offensive menée par l’OPDDIC, d’autres organisations paramilitaires ont repris du service activement. Opérant principalement dans la Zone nord de l’État, l’URCI est une des excroissances issues de la
décomposition du groupe paramilitaire "Paz y Justicia", dont les faits d’armes au cours des douze dernières années ont causé massacres, assassinats et le déplacement de milliers de personnes qui encore aujourd’hui n’ont pas toutes pu réintégrer leurs communautés d’origine.

Encouragés par le climat d’impunité que leur laisse supposer le retour au pouvoir de personnages acquis à leurs méthodes et forts du soutien actif de l’armée présente sur place, les paramilitaires de la Zone nord font actuellement pression pour obtenir l’amnistie de plusieurs dirigeants de "Paz y Justicia" emprisonnés pour avoir été reconnus responsables de nombreux faits de violence.

Dans un passé récent, les menaces d’expulsion proférées contre les communautés installées dans ou au bord de la réserve de Montes Azules avait amené les zapatistes à organiser la réinstallation de plusieurs communautés
plus près des territoires autonomes afin d’assurer leur protection et d’éviter les affrontements.

Dans cette mesure, la menace d’utiliser la force pour expulser les bases d’appui zapatistes des terres en conflit, lancé à la mi-novembre par Pedro Chulín Jiménez, dirigeant de l’OPDDIC et député suppléant pour le PRI de la région d’Ocosingo, constitue un défi à l’EZLN. Cette provocation ouverte vise en effet à déclencher une situation de violence qui, rendant obsolète la loi pour le dialogue, la conciliation et la paix digne au Chiapas adoptée en 1995 et garante d’un fragile cessez-le-feu au Chiapas, pourrait inciter le gouvernement à justifier une intervention de l’armée fédérale à des fins de maintien de l’ordre.

Il apparaît aujourd’hui de plus en plus clairement que les agissements des groupes paramilitaires s’inscrivent dans la continuité d’une logique de guerre de basse intensité promue par les représentants de puissants intérêts politiques et économiques.

Face à ces menaces, l’opinion publique internationale ne peut rester sans réagir.

Nous dénonçons énergiquement cette logique qui privilégie délibérément l’affrontement au détriment du dialogue comme solution au conflit et la répression comme réponse aux aspirations légitimes des communautés à l’autodétermination. Nous nous mobiliserons pour exprimer notre solidarité avec les communautés menacées d’expulsion.

Conscients de la lourde implication des autorités mexicaines dans l’instrumentalisation des groupes paramilitaires, nous les considérons comme directement responsables des attaques visant à provoquer une escalade de la violence et des conséquences tragiques qu’entraînerait une intervention militaire au Chiapas.

Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL, Paris)
mars 2007

Premiers signataires : France Amérique latine (FAL), Tamazgha (association berbère), Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan), le Comité zapatiste de Bordeaux.