Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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En mémoire de Jean-Pierre Petit-Gras.

samedi 30 avril 2016

Il est mort un premier avril, mais pourquoi ne pas plutôt s’en rappeler un premier mai... Il y a un an, le 1er avril 2015, décédait Jean-Pierre Petit-Gras, un compa toulousain actif au sein des collectifs solidaires avec les zapatistes, le Congrès National Indigène, Atenco et différentes autres luttes mexicaines, ainsi que dans la distribution du café produit par les communautés zapatistes, et, dans les derniers moments de sa vie, dans la fondation du projet collectif agraire de La Fontié, situé dans le sud-ouest de la France. C’est notamment grâce à son initiative que les compas d’Atenco étaient venus en Europe, il y a 10 ans, afin de dénoncer la terrible répression qui venait alors de s’abattre sur leur village et sur l’Autre campagne... Un combat toujours d’actualité aujourd’hui.

Plus bas, deux hommages qui avaient été écrits au Mexique en sa mémoire l’année dernière, ainsi qu’ici, un autre hommage à un compa et ami mexicain de Jean-Pierre, Federico, décédé le 23 janvier dernier. Le 27 septembre 2015, Federico partageait en privé son souhait de rendre un hommage au Mexique à son ami, un après. Cela n’a pas été possible, mais la mémoire elle, ne s’efface pas pour autant si, comme nous l’enseigne nos frères et soeurs indigènes mexicains, les idées, les inspirations, les enseignements et les projets continuent leurs chemins...

Hasta siempre, Jean-Pierre

Mexique, le 4 avril 2015

Notre frère et compañero Jean-Pierre Petit-Gras vient d’entreprendre un chemin très autre. Nous assumons pleinement la détermination conséquente et la cohérence de sa vie et de ses actes, les faisant nôtres.
Toujours tu nous as soutenus, inconditionnellement et en silence. Tu as été notre premier élève de langue tsotsil, il y a quinze ans de cela, et jusqu’à ce que la maladie t’en empêche, tu revenais chaque année et nous t’attendions. Tu as même fait des cours de tsotsil à l’université où tu travaillais, à Toulouse, en France. Nous étions tant pour toi que, dans le cadre du projet de ton collectif, ce nouveau monde que tu as créé avec tes compañeros, tu avais emporté ici des graines de maïs pour les planter chez toi. Vous en avez même fait des tortillas, des galettes comme ici. C’est ce que tu nous as raconté il y a quelques mois quand tu es venu nous rendre visite, sans nous dire qu’en fait tu venais faire tes adieux, comme le font les êtres authentiques.

Tu restes dans notre cœur.

Hasta siempre, Jean-Pierre.

CELMRAZ
Centro de Español y Lenguas Mayas Rebelde Autónomo Zapatista

« Los de Abajo » (Ceux d’en bas)

À bientôt

La moitié de son cœur chevauchait les luttes qui parcourent d’en bas les campagnes du Mexique. L’autre moitié n’a jamais négligé le quotidien des luttes de sa ville dans le sud de la France. La justesse et la cohérence du chemin qu’il avait choisi n’ont jamais fait aucune concession ni aux puissants de ce monde ni à aucune pratique capitaliste. À tel point que je n’ose mentionner son nom en entier, car il a vécu dans le collectif jusqu’à son dernier souffle, le 1er avril 2015.

Son pas discret, amoureux, et sa parole ferme ont parcouru à pied les communautés zapatistes du Chiapas, où son cœur a battu plus fort que jamais durant plus de deux décennies. Il a participé aussi aux luttes de l’isthme de Tehuantepec, de San Salvador Atenco, de Cherán, d’Ostula et de Nurío. Au cours des derniers mois, sans jamais perdre espoir, il a exigé, aux côtés des personnes solidaires de Toulouse, que soient présentés en vie les 43 disparus d’Ayotzinapa. Des peuples réunis au sein du Congrès national indigène, il avait retiré des enseignements qu’il avait rapportés chez lui, où avec d’autres il accueillit des acteurs de la lutte sociale au Mexique tels que Juan Chávez et Ignacio del Valle.

Anticapitaliste ici et maintenant, il contribuait à créer des projets de transformations de la vie quotidienne, d’autonomie, d’apprentissage et de transmission de connaissances et de mémoire, comme dans cette terre mis en commun qu’est La Fontié, à une cinquantaine de kilomètres de Toulouse. De là, il nous avait écrit : « Le blé, la milpa, les plantes médicinales et aromatiques sont en bonne voie... Il y a plein de tomates, de radis, d’oignons, d’aubergines et de courgettes, grâce aux deux serres qui nous ont permis d’affronter les rigueurs d’une saison très pluvieuse et froide. Et puis, les brebis paissent déjà dans leur prairie. Les greffes que nous avons faites sur divers arbres fruitiers ont bien pris, en particulier les châtaigniers (la châtaigne fut, des millénaires durant, l’aliment principal dans bon nombre de nos régions). Et aujourd’hui viennent nous voir des compas de la France entière, et même de pays voisins, avec qui nous partageons l’ambitieux projet de reconstruire notre vie. »

JPP ne connaissait pas le mot découragement : « Dans ces terres du sud de la France qu’il connaissait tellement et si bien, on le voyait toujours aller et venir, tissant des liens entre quiconque, jour après jour, partant de son environnement propre, luttait pour récupérer ou pour préserver ce qui restait de la vie de la campagne. » Toujours avec ceux qui luttent pour le droit à un logement digne, qui se battent contre le racisme, pour défendre les migrants persécutés. Toujours en bas.

Avec sens de l’humour, avec amour et respect d’autrui, il fut également collaborateur de la revue Desinformémonos (Désinformons-nous !), au sein de laquelle il partageait la lutte des travailleurs journaliers d’Andalousie.

Hasta pronto, JP. Nous te maintiendrons informé.

Gloria Muñoz Ramirez

La Jornada, Mexico, 4 avril 2015.

Traduction : SWM