Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Questions sans réponses, réponses sans questions, conseils et instances de conseil

samedi 10 décembre 2016

(lire ici la déclaration finale du CNI : "que tremble la terre jusque dans ses entrailles")

Questions sans réponses, réponses sans questions,

conseils et instances de conseil.

(notes extraites du carnet de notes du Chat-Chien)

20 octobre 2016

A qui de droit,

Questions sans réponses :

.- Et pour les femmes assassinées car elle ont commis le "grave" délit d’être femmes, y aura-t-il aussi des moqueries, du mépris, et des accusations qu’en exigeant un arrêt des agressions et qu’en imposant ce thème avec leur sang dans l’agenda non seulement national, mais aussi mondial, elles font le jeu de la droite ? Car ce n’est pas qu’elles se meurent, c’est qu’on est en train de les tuer. Et si elles se refusent à accepter le fait que c’est un problème à résoudre en attaquant la corruption ? Si elles osent dire que l’origine de cet odieux assassinat se trouve dans le système ? Et si elles ont l’idée saugrenue de mettre de côté les hommes dans les décisions vitales (oui, de vie) ? Et si elles décident de prendre en main leur destin ? Quelque chose du style, ou bien tout cela, cela serait une manœuvre gouvernementale, pour éviter que etcétéra ?

.- Et les otroas [les trans], devront-ils attendre que la classe politique porte son regard distingué sur un des en-bas parmi les plus vilipendés ? Doivent-ils se résigner à être assasinéEs jusqu’à atteindre un chiffre qui soit digne d’attention ? Et s’ils s’organisent, et s’ils demandent du respect, et s’ils décident qu’il y en a marre que le mépris qui leur est adressé se transforme en mort ? On leur dira que leur problématique n’est pas prioritaire ? qu’elle n’est de manière générale pas politiquement correcte, et même contre-productive dans le cas particulier d’une compétition électorale ? qu’ils doivent se joindre, et non pas se soustraire avec leurs revendications ?

.- L’église progressiste, dont les prêtres, les sœurs et le clergé séculier sont les premiers à palper au plus près et sans intermédiaires la douleur, l’angoisse et le désespoir des migrants, des proches de disparu-e-s, de villages entiers agressés, de la rage due à l’impunité, de la frustration due à une injustice faite loi avec robe et toque d’avocat : a t-elle intérêt à administrer cette douleur pour son propre bénéfice ? Que gagnent-ils à faisant leurs cette lamentation, à s’identifier à cette rage ? Et si cette vision, qui s’est construite non seulement face aux menaces en tous genres, met qui met aussi en péril la vie ici-bas, se rend compte que les solutions proposées à l’horizon ne sont pas suffisantes et qu’elle l’exprime de manière libre et raisonnée : s’opposent-ils ainsi, étant ce qu’ils sont et œuvrant en conséquence, à un changement réel ?

.- Si la seule possibilité de l’existence citoyenne (avec tous ses droits et ses devoirs) d’une femme indigène fait que "tremble la terre jusqu’en ses entrailles" : que se passerait-t-il si son oreille et sa parole parcourraient le Mexique d’en bas ?

.- A vous qui lisez ceci, ça vous embêterait de voir et d’écouter un débat entre la Calderone [1] d’en haut, avec ses habits "typiques" de grands marques, et une femme d’en bas, indigène de sang, de culture de langue et d’histoire ? Ça vous intéresserait plus d’écouter ce que promet la Calderone, ou ce que propose l’indigène ? N’auriez-vous pas envie d’assister à ce choc entre deux mondes ? N’y aurait-il pas d’un côté, la femme d’en haut, née et élevée avec toutes les commodités, éduquée dans le sentiment de supériorité de race et de couleur, complice et prétendue héritière d’un psychopathe accro à l’alcool et au sang, représentant d’une élite qui mène à la destruction totale d’une Nation, désignée par le Donneur d’ordre comme sa porte-parole ; et de l’autre côté, une femme qui, comme beaucoup, s’est forgée en travaillant et en luttant tous les jours, à toutes heures et partout, non seulement contre un système qui l’opprime en tant qu’indigène, en tant que travailleuse et en tant que pauvre, mais aussi en tant que femme, qui s’est affrontée et a affronté un système reproduit à l’identique dans le cerveau des hommes et de plus d’une femme, et qui, avec tout contre elle, aujourd’hui, sans le savoir encore, aura peut-être à représenter non plus seulement elle-même, ou son collectif, son village, sa tribu, sa nation ou son quartier originaire, mais aspirer aussi à représenter les millions de femmes différentes par la langue, la couleur et la race, mais égales dans la douleur et la révolte ? N’y aura-t-il pas, d’un côté, une femme criolla, blanche, symbole de l’oppression, de la moquerie, du dénigrement, de l’impunité, de l’impudeur ; et de l’autre, une femme qui devra élever son essence indigène au-delà d’un racisme qui infiltre toutes les strates sociales ? Ne serait-il pas vrai que, sans à peine vous en rendre rendre compte, vous arrêteriez d’être spectatrice, spectateur, et désireriez, depuis le plus profond de vos sentiments, que ce débat soit loyalement remporté par celle qui a tout contre elle ? N’applaudiriez-vous pas qu’avec cette femme indigène, ce soit la raison et non pas la force de l’argent qui l’emporte ?

.- Ça vous inquiète que la femme indigène ne sache pas bien parler espagnol, mais pas que l’actuel titulaire de l’exécutif fédéral ne sache pas parler tout court ?

.- A quel point le système politique mexicain est-il solide, et à quel point les tactiques et les stratégies des partis politiques sont-elles fondées et consistantes, pour qu’il suffisse que quelqu’un dise publiquement qu’il pense quelque chose et qu’il va demander à ses autres semblables ce qu’ils pensent de ce que lui pense, pour qu’ils deviennent hystériques ?

.- Dans quelle mesure la proposition qu’un conseil (avec un "c") [2] indigène de gouvernement, c’est-à-dire un collectif, et non un individu, soit le responsable de l’exécutif fédéral, vise-la-présidence-devient-complice-de-la-farse-électorale-contribue-à-renforcer-la-democratie-bourgeoise-joue-le-jeu-de-l’oligarchie-et-de-l’impérialisme-yankee-chinois-russe-judéoislamique-millénariste,-en-plus-de-trahir-les-hauts-principes-politiques-de-la-révolution-prolétaire-mondiale ?

.- Doit-on suivre l’inertie de la classe politique, des têtes "pensantes" et des saltimbanques de toute sorte, et répondre aux critiques infondées et à celles qui, fondées, nous interrogent et nous invitent à penser par le biais de disqualifications qui, en plus d’être inutiles, ennuient déjà (comme peñabots, paniaguados, pejezombis, perderistas, etceteristas) ?

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.- Idée pour devenir millionnaire (ou pour être payé pour la collecte de signatures et pour la campagne - oh, oh, on dirait que c’est du sérieux-) : une application qui autocensure sur tuiter quand on écrit une idiotie. Ceci, parce que les captures d’écran n’en pardonneront pas une. Hein ? Vous y avez déjà pensé ? Bon, ben faites-le là, parce que quand le CNI nous autorisera à expliquer, effacer ces tuits sera inutile.

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.-Classement de la première semaine :

Finaliste du meilleur mème internet : El Deforma [3] (ce qui n’a non plus beaucoup de mérite, car El Deforma, c’est l’équivalent du Barcelone F.C. des mèmes internet)

Finaliste du meilleur tuit de soupçon étayé : "A moi ce qui me semble le plus suspect c’est que le #EZLN revient toujours à la mode au moment du froid et ensuite les putains de passe-montagnes coûtent super chers"

Finaliste de la meilleure série de tuits sur le sujet : "Du coup, et dans tout ça, les zapatistes utilisent Twitter ? / Je demande parce qu’ici nous sommes en train de les sermonner, de se moquer d’eux, de les tourner en dérision/ En leur disant, en leur ordonnant ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire / et si eux ils ne s’en rendent même pas compte / et s’ils ne font même pas attention à nous, ben c’est comme / se masturber en voyant, exicté-e-s, une boîte de céréales, du coup / attention : ne pas oublier d’effacer cette série de tuits/. Warning ! Votre compte Twitter a souffert l’attaque d’une capture d’écran.

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.- Écoutez, un conseil (avec un "s") sans mauvaises intentions : un cours de compréhension de lecture ne vous ferait pas de mal, du coup. Et une fois plongé dans les lettres, écoutez, un cours de rédaction... même si ne n’est qu’avec l’horizon limité des 140 caractères, ein.

.- Maxime non confucéenne : "Bien que ça paraisse incroyable, il semble qu’il n’y ait pas un, mais de nombreux mondes en dehors des réseaux sociaux".

Defensa Zapatista, Chicharito Hernández et Lionel Messi.

Je ne sais pas pour quelle foutue raison ce ballon est arrivé jusqu’à ma cabane, le fait est que derrière lui arrivait une petite-fille de... quel âge ? Je dirais entre 8 et 10 ans, ce qui en communauté peuvent représenter des années ou des décennies. Ce n’est pas la première fois que le ton irrévérencieux et joyeux de l’enfance zapatiste déboule dans la chambre solitaire qui parfois m’héberge, donc je n’ai pas vraiment fait attention et j’ai continué à réviser et à lire la tourmente qui s’abattait sur les réseaux sociaux et les médias libres et commerciaux. Je ne me serais pas aperçu de la présence de la petite fille si elle n’avait pas dit, avec la voix d’une connaisseuse : "c’est comme l’histoire du Chicharrito et de Messi". Je me suis donc rendu compte que la petite fille était en train de regarder, par dessus mon épaule, l’écran de l’ordinateur portable. Me rappelant la vieille maxime qui dit que la meilleure attaque c’est la défense, je lui ai demandé : "Et toi, t’es qui ? Je ne te connais pas." La petite fille a répondu "moi, je m’appelle Defensa Zapatista" avec le même ton d’évidence que si elle disait "énergie égale masse fois vitesse de la lumière au carré". Et, en montrant l’écran, elle a ajouté :"Chicharito ne joue pas à Barcelone, et Messi ne joue pas avec les Jaguares du Chiapas". Je me suis retourné pour voir si j’avais, sans m’en rendre compte, changé de hashtag, mais non, dans l’en-tête on lisait “#ezln”. Ce qui se passe dans la tête d’une petite fille zapatiste c’est plus qu’un monde, c’est un Big Bang en expansion continue... Je lui ai néanmoins demandé : "Mais qu’est-ce que ça à voir avec ça ?". La petite fille m’a répondu avec la même tête avec laquelle on dit : "Tu ne connais rien, John Snow" :

"Là c’est comme s’ils étaient en train de critiquer que Chicharito ne mette pas de but au Barcelone et que Messi ne fasse rien pour que les Jaguares gagnent quelques points. Et certains disent que Chicharito va se récupérer, d’autres que c’est déjà foutu. Certains disent que Messi est triste parce que les pays où il est né ne le soutiennent pas, d’autres disent que ses chaussures le serrent, et que s’il change de chaussures, il va tirer bien dans le ballon.

Mais le fait est que Chicharito ne joue pas au Barcelone, et que Messi ne joue pas avec les Jaguares. C’est-à-dire, qu’ils se mettent en colère pour rien".

Moi j’étais en train de déterminer le changement de paradigme que le raisonnement de "Defensa Zapatista" supposait, quand elle a commencé à dire : "Eh Sup, pourquoi y’a pas un match de foot d’organisé pour quand viennent ceux qui sont comme nous on est par ici ? Bon, on n’a pas complété l’équipe et en plus le satané Pedrito se sent très ptit macho, le chat-chien il obéit que parfois aux ordres, le cheval borgne est tout le temps en train de dormir et les autres joueurs, ben parfois ils viennent et parfois ils s’en vont. Écoutes, moi j’ai déjà réfléchi à la chanson pour quand on gagn’ra la finale. Toi tu connais la tonne ? Qu’est-ce que tu vas savoir si t’es sup ! Donc je te conseille d’étudier les sciences et les arts, et donc ben bien sûr il te reste le problème du fait que Chicharito ne joue pas avec le Barcelone, ni Messi avec les Jaguares, et donc ben t’en fais pas et au diable ces vautours qui veulent t’arracher les yeux. J’y vais parce qu’on a toujours pas complété l’équipe, et qu’est-ce qui va se passer si jamais on doit participer comme on dit à l’inauguration...".

Une fois à la porte, la petite fille s’est retournée et m’a dit : "Eh Sup, si mes mamans arrivent et demandent si tu m’as vu, tu leur dit clairement que Chicharito ne joue pas au Barcelone et que Messi ne joue pas avec les Jaguares. C’est-à-dire que comme qui dirait, ne racontes pas d’histoires, car en général, les mamans le savent quand tu mens. Donc ce que tu dois faire c’est changer le mouvement de jeu, c’est-à-dire tu fais comme si t’allais par là, mais en fait tu vas par là-bas ! Si tu veux je t’explique après, mais d’abord travailles, car si tu vas à l’école autonome ils vont se moquer de toi, pire le Pedrito, car ce maudit a terminé l’école primaire et il s’en vante. Mais tu vas voir que moi aussi je vais terminer, et v’la, à voir voler des vautours qui veulent t’arracher les yeux. Pour l’équipe, t’en fais pas, on va être plus. Parfois ça prend du temps, mais si, on sera plus". La petite fille est partie.

Est alors arrivé le SubMoy et il m’a demandé : "C’est bon t’as le texte de l’explication ?"

"Non, mais le Chicharito ne joue pas à Barcelone et Messi ne joue pas avec les Jaguares", lui ai-je répondu en suivant les conseils de "Defensa Zapatista".

Le SubMoy m’a regardé et, en prenant le talkie-walkie, a ordonné : "faites venir quelqu’un de la santé pour une piqûre".

Moi j’ai couru, qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ?

Ouaf-Miaou.

SupGaleano.


[1Luisa Calderón, la soeur de l’ex-président Felipe Calderón, serait potentielle candidate du PAN aux futures élections présidentielles mexicaines

[2NdT : en espagnol, "concejo", avec un "c", signifie "conseil" dans le sens d’instance, d’assemblée, alors que "consejo", avec un "s", renvoie à un "conseil" dans le sens de recommandation

[3NdT : équivalent du Gorafi, site internet satyrique