Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Déclaration du CBG "Corazón del Arcoiris de la Esperanza"

Protestation contre la version officielle de la mort d’un compagnon et contre l’arrestation et la torture de deux autres compañeros

Conseil de bon gouvernement de Morelia

mercredi 27 février 2008

Junta de Buen Gobierno "Corazón del Arcoiris de la Esperanza"
Caracol IV "Torbellino de Nuestras Palabras"

Le 2 février 2008

Frères et sœurs,
Compañeras et compañeros,

À l’opinion publique mexicaine et internationale,
Aux autres moyens de communication alternatifs mexicains et internationaux,
Aux organisations non gouvernementales des droits humains fondamentaux,
Aux compañeras et compañeros de la Sexta et de l’Autre Campagne du Mexique et du monde,

Le Conseil de bon gouvernement "Cœur de l’arc-en-ciel de l’espoir" proteste énergiquement et veut dénoncer :

Les faits survenus le 13 janvier dernier, à 22 heures, à savoir la mort brutale et dans la souffrance de notre frère Ernesto Hernández Gómez, originaire de l’ejido Santa Rosalía, commune de Comitán, Chiapas ; le défunt laisse ainsi une famille orpheline, la douleur étreignant ses enfants, son épouse et l’ensemble de sa famille.

Sa mort est due au seul fait qu’il participait aux assemblées et défendait ses droits face aux nombreuses injustices commises dans son ejido, la seule réponse qui lui a été donnée par les caciques appartenant au PRI de son ejido étant la mort.

Notre conseil de bon gouvernement tient à rappeler que, des années auparavant, avant ce crime, on a manqué de respect au peuple dans cet ejido ; la division engendrée par les partis politiques et autres organisations prétendument indépendantes n’a fait qu’aiguiser et rendre plus délicat le conflit agraire qui perdure dans cette communauté.

Ce conflit qui durait depuis des années fut particulièrement aigu en 1994, 1995, 1999, 2000, 2003, 2007 et 2008 ; finalement, en 2007, par un accord obtenu au sein de l’ejido, les habitants ont commencé à couper du bois de façon abusive, sans faire le moindre cas de nos compañeros des bases de soutien zapatistes.

Les gens appartenant au PRI ont été particulièrement sournois, prenant en photo nos compañeros quand ceux-ci finirent par vouloir profiter des restes de bois abandonnés sur place par les véritables fautifs, clichés qu’ils ont utilisés pour porter plainte auprès de la PROFEPA, l’administration responsable.

C’est pour cela qu’est intervenue la PROFEPA : le 2 mai 2007, ses agents pénétraient dans la montagne à travers la communauté de Zaragoza pour ressortir par l’ejido de Santa Rosalía, afin de procéder à leur enquête sur les coupes de bois illégales dans cet ejido, dont le territoire dépend de la commune autonome Nuevo Amanecer Emiliano Zapata - où la PROFEPA n’a pas à mettre les pieds.

En mai 2007, nous avions sur place 61 compañeros collaborant avec nous, dont 20 se sont organisés pour stopper les agents de la PROFEPA, à qui ils ont confisqué le matériel suivant : un radio-émetteur portable et son chargeur, un mobile de la marque Sony.

Ce matériel a été remis le 19 juillet 2007 par feu Ernesto Hernández, qui s’en était personnellement assuré, en présence de M. Wilmar Pérez, délégué de la municipalité de Comitán, M. Amado Loyo, appartenant au PRD, ayant été témoin.

Nous possédons le reçu en bonne et due forme de cette livraison, signé par les personnes suscitées.

Nous savons pertinemment que des arbres ont été coupés en surnombre dans cette communauté et que le personnel de la PROFEPA s’est rendu complice de certains habitants.

Les habitants de l’ejido affiliés au PRI ont en effet introduit 35 tronçonneuses pour couper du bois sans que la PROFEPA ne réagisse, tandis que nos compañeros, qui n’ont pas coupé plus de bois que ce qui est autorisé, écopent, eux, de mandats d’arrestation.

Ce qui ressort de toute l’histoire qu’ont vécue nos compañeros de cet ejido et de cette commune autonome, c’est que ceux qui sont comme nous membres des bases de soutien de l’EZLN ne comptent pour rien.

On a pu le constater clairement lorsque la dépouille mortelle d’Ernesto Hernández Gómez a été réclamée et qu’il fut exigé de constater le lieu de sa mort ainsi que l’examen préalable du cadavre, le ministère public s’est refusé à faire son travail, jusqu’à ce que la famille du défunt et les autorités locales exigent d’être entendues.

Le ministère public est donc parti enquêter sur les lieux présumés des faits, sur la route de Comitán à La Trinitaria, sur le tronçon de Jototon, où le défunt a été renversé par une voiture, à l’endroit où l’on prétend avoir trouvé des débris de phares provoqués par un freinage subit.

On prétend également que le défunt était ivre et se serait perdu pour arriver là.

Quand le médecin du ministère public établit le protocole de l’autopsie, celui-ci stipulait que le défunt avait été écrasé par une voiture, mais les analyses de sang et d’urines n’indiquaient pas la moindre trace de boissons alcoolisées.

Le registre civil numéro 1 de Comitán a commis une autre injustice : profitant du fait que le document nécessaire pour effacer le nom du défunt du registre des vivants n’avait pas encore été présenté, quelqu’un en cheville avec le ministère public a téléphoné à l’aide d’un mobile pour faire arrêter des parents du défunt appartenant à nos bases de soutien, Carmelina Gómez Velasco et Armando Hernández Pérez.

Ces derniers ont été arrêtés le 22 janvier 2008 par trois inconnus de stature élevée, circulant à bord d’une camionnette de couleur noire sans plaques d’immatriculation, qui les ont emmenés directement à la prison d’El Amate.

Alors que nous nous étions rendus sur place, des agents de la PROFEPA se sont présentés à la prison pour savoir si nous étions les responsables du vol et de la coupe de bois illégale ; ils ont reconnu que ce n’était pas nous, mais en attendant ils ont quand même violé nos droits constitutionnels et nous ont emprisonnés.

Et comme ils n’ont pas pu inventer un délit que nous aurions commis, nos compañeros ont été libérés dès le 28 janvier 2008, leur lever d’écrou portant le nº 340/2008 ; mais entre-temps ils ont aussi violé leurs droits, assassinant le père d’un des détenus.

Notre humiliation continue car trois autres de nos compañeros sont sous le coup de mandats d’arrestation : José Gómez Díaz, Juventino Gómez Velászo et Ángel Hernández Pérez.

Poursuivons avec une autre affaire.

Notre souffrance ne s’arrête pas là car le 1er février 2008, dans la communauté Betel Yochip’, deux compañeros qui y vivent sortaient de chez eux pour aller travailler à la construction d’un baraquement pour les personnes des campements de la paix qui viennent se solidariser avec nous pour affronter les ennuis que le gouvernement ne cesse de nous créer.

Nos compañeros circulaient en cyclomoteur pour se rendre rapidement sur le chantier et ils n’étaient plus très loin du but quand ils ont été arrêtés par deux inconnus armés, circulant à bord d’une Tsuru de couleur rouge sans plaques d’immatriculation, qui étaient protégés par deux fourgons de patrouille, portant respectivement les numéros 052 et 053, appartenant à la police du secteur.

Un des compañeros arrêtés a été blessé au pied droit, c’est évidemment encore un coup des chiens chargés de la répression lâchés par Felipe Calderón et Juan Sabines.

Tout porte à croire qu’ils ont été frappés et torturés car à l’endroit où ils ont été arrêtés dans la montagne, l’herbe a visiblement été écrasée et en porte encore les marques.

En tant que conseil de bon gouvernement, nous avons nommé une commission d’enquête qui a aussi inspecté le lieu en question. On y a trouvé une cartouche vide ainsi qu’une autre qui n’a pas été percutée, de calibre 9 mm Luger Win.

Ces deux compañeros arrêtés ont été emmenés au centre de détention préventive de Palenque, placé sous l’autorité d’Oscar Espinoza, sous-directeur des enquêtes préalables ; une fois là, ils ont été torturés sept heures durant, de 8 à 15 heures, le jour même, le 1er février 2008.

Après avoir été torturés, nos compañeros Eliseo Silvano Jiménez et Eliseo Silvano Espinosa fils ont été obligés à mettre un passe-montagne et à empoigner des armes pour être pris en photo.

Le père a été forcé à empoigner un fusil dont il ignore le calibre, son fils un pistolet dont il ne connaît pas non plus le calibre ; ces compañeros ne savent rien des armes, c’est pour cette raison qu’ils n’ont pas su donner le calibre de celles qu’on les a forcés à empoigner.

Après cette violation de leurs droits et les tortures qu’ont subies nos compañeros, le blessé a été transféré à l’hôpital général de Palenque où il est surveillé par douze agents de la police local et par treize policiers à l’intérieur de l’hôpital, plus deux membres de la police judiciaire.

Le blessé est dans un état grave, il a le visage tuméfié, les bras enflés d’hématomes, une blessure par balle au pied droit et un bras fracturé.

À 19 h 30, hier, nos compañeros ont vu les habitants de Betel Yochip’ en réunion avec trois agents de la police du secteur et l’on suppose que les autorités locales agissent en complicité avec la municipalité ainsi qu’avec le gouvernement chiapanèque et le gouvernement fédéral.

Nous, conseil de bon gouvernement, accusons directement le prétendu gouvernement fédéral de Felipe Calderón ainsi que Juan Sabines, gouverneur de l’État du Chiapas.

La présente protestation rend évidents les agissements honteux de ce mauvais gouvernement qui, avec ses chiens de garde réprimant sans cesse notre organisation, cherche à en finir avec nous, nous assassine, nous torture et nous jette brutalement en prison.

Nous lançons un appel à nos frères et à nos sœurs au Mexique et dans le monde afin qu’ils restent vigilants et attentifs aux violations des droits humains dont nous sommes aujourd’hui victimes, parce que nous continuons à compter les morts et que d’innombrables mandats d’arrestation pèsent injustement sur nous, et pour que, dans la lutte où nous sommes, nous nous unissions afin d’exiger nos droits et de nous défendre comme peuples.

SALUTATIONS

Conseil de bon gouvernement "Corazón del Arcoiris de la Esperanza"
Caracol IV, Morelia, Chiapas, Mexique.

Traduit par Ángel Caído.