Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

Accueil > Résistances > Communiqué de la Commune autonome de San Juan Copala le 20 novembre (...)

Communiqué de la Commune autonome de San Juan Copala le 20 novembre 2010

dimanche 28 novembre 2010

Aux médias honnêtes,
Aux organisations sociales et démocratiques,
Au peuple d’Oaxaca et du Mexique,
À l’Autre Campagne,
À l’Armée zapatiste de libération nationale,

Plus de trois mois après l’installation dans la ville d’Oaxaca du campement des déplacés de San Juan Copala, et deux mois après la prise de notre mairie par la force des armes des paramilitaires au service direct des mauvais gouvernements, nous, les autonomes, comme on nous appelle, impulsons notre projet avec plus de force que jamais, car nous sommes convaincu-e-s que c’est le seul chemin pour qu’un jour pas très lointain nos enfants soient des femmes et des hommes libres. Compañeros et compañeras, nous nous adressons à vous pour vous dire notre parole sur les derniers événements de notre terre oaxaquègne qui se répercutent sur notre mouvement.

1. Devant l’appel de certains intellectuels de notre région à dialoguer avec d’autres groupes, nous apportons l’éclaircissement suivant : nous apprécions leur intérêt et les en remercions, nous sommes les premiers convaincus que c’est le dialogue qui permettra d’en finir avec cette longue nuit de douleur au sein de notre peuple. C’est pourquoi pendant près de deux ans nous nous sommes assis à des tables de dialogue avec la direction du MULT, sans que cela débouche sur la paix si ardemment souhaitée pour notre peuple ; au contraire la situation s’est aggravée. Nous avons compris à travers cela que, tant que les dirigeants viennent dialoguer sans tenir compte de leurs mandants, rien ne pourra se résoudre : ce doit être ceux qui subissent cette violence tous les jours dans leur propre chair qui cherchent et trouvent les chemins de la solution. Le rôle des dirigeants est, sans le moindre doute, de créer les conditions pour que cela devienne une réalité. C’est pourquoi nous vous invitons à trouver ensemble les formes pour faire naître ce dialogue qui nous manque tant. Cela sera certainement plus facile avec votre collaboration. Et ainsi nous pourrons tous nous convaincre qu’on n’obtient pas la paix seulement avec une signature entre dirigeants ou une photo dans les médias.

2. Suite à l’assassinat du dirigeant du MULT, quelques voix ont tenté de nous attribuer un degré quelconque de responsabilité dans ce fait. Rien de plus éloigné de la réalité. Il est nécessaire d’apporter des précisions : l’EPR [1], dans un communiqué daté du 16 novembre et diffusé à l’échelle nationale, nous accuse de mentir quant aux dénonciations que nous avons dû faire sur les agressions qu’ont subies notre village et ses habitants ; or ces dénonciations sont venues des personnes affectées elles-mêmes, et à aucun moment les porte-parole n’ont inventé leurs déclarations. Il est donc nécessaire de demander à ce groupe qui se proclame populaire et révolutionnaire, et qui dans son discours dit marcher au côté du peuple, en quoi notre projet les dérange. Pourquoi cette indignation seulement maintenant ? Nous, nous avons une longue liste de compañeros tués ou blessés parmi lesquels notre principal dirigeant, Timoteo Alejandro, tous gens modestes et simples, gens du peuple que vous dites défendre, et aucun de ces crimes n’a suscité ne serait-ce qu’un mot de condamnation de votre part. En quoi la vie d’un enfant ou d’une femme triqui vaut-elle moins que celle de n’importe qui d’autre ? Pourquoi la mort de notre dirigeant n’a-t-elle pas causé cette indignation de votre part ni de celle d’autres acteurs politiques de notre État, alors que, de même que M. Heriberto Pazos, avec des réussites et des erreurs, il a travaillé toute sa vie pour le peuple triqui ? Que prétendez-vous quand vous affirmez que ceux qui nous accompagnent dans cette situation difficile ont un certain degré de responsabilité dans ce crime ? À n’en pas douter, par vos calomnies, vous essayez d’intimider ceux qui se sont montrés solidaires de notre cause jusqu’à présent pour qu’ils s’éloignent de nous ; peut-être y parviendrez-vous, ceux qui nous accompagnent ont toute liberté pour le faire, aucun engagement autre que la solidarité entre égaux ne nous unit ; nous le comprendrions, même si nous sommes sûrs qu’au fur et à mesure qu’on nous isolerait, on continuerait de plus belle à massacrer notre peuple. Alors, messieurs les révolutionnaires, si vous l’êtes réellement, avec quelle autorité morale pourrez-vous vous adresser à votre peuple ? Nous vous invitons à la réflexion, qui sans doute fera naître le respect envers notre projet comme nous-mêmes vous respectons.

3. Comme vous le savez, les compañeros défenseurs des droits humains des organisations BARCAH et CEDAPI, grâce à un grand travail, ont obtenu que la Commission interaméricaine des droits humains dicte des mesures de précaution pour les habitants de San Juan Copala. Pour cette raison, nous avons eu un entretien avec des représentants du ministère de l’Intérieur où nous avons exprimé comme principale demande le rétablissement de nos garanties individuelles. Nous précisons qu’à aucun moment nous n’avons avalisé, et encore moins demandé, l’entrée de l’armée sur notre territoire, car tous les peuples indigènes savent pertinemment que cela représente un cancer pour notre vie communautaire. Lors de la première réunion, nous nous sommes mis d’accord sur la date du 19 de ce mois pour la rencontre suivante, où les fonctionnaires nous présenteraient quelques voies de solution, mais au dernier moment on nous a fait savoir que la réunion était reportée au mois de décembre, sans date précise pour l’instant ; c’est pourquoi, en tant qu’intéressés à ces mesures, nous exhortons le ministère de l’Intérieur à plus de sérieux dans ses engagements.

4. Enfin nous voulons vous dire que le 15 de ce mois nous avons été délogés du lieu où nous tenions notre campement de déplacés. Vers 11 heures du soir des centaines de policiers fortement armés ont encerclé toute la zone de la Grand-Place. Est ensuite arrivée au campement une commission de fonctionnaires du gouvernement de l’État, avec à leur tête le sous-secrétaire Carlos Santiago, pour nous demander de partir. Après avoir discuté plusieurs heures avec eux, et devant le danger que des enfants ou des vieillards qui vivent dans le campement soient blessés si nous refusions, nous nous sommes mis d’accord avec eux pour occuper cette zone du parvis de l’église Saint-Augustin pendant une semaine, et revenir ensuite sur la Grand-Place le 22 de ce mois. Pour finir, nous disons au peuple d’Oaxaca que notre projet est civil et pacifique, dans le cadre de la Constitution politique du pays et des accords internationaux signés par l’État mexicain, aussi n’avons-nous besoin de la permission de personne pour exercer les droits qui sont les nôtres.

Nous n’avons pas besoin de permission pour être libres.

Respectueusement

La Commune autonome de San Juan Copala,
20 novembre 2010.

Traduit par el Viejo.

[1Ejercito Popular Revolucionario, organisation armée clandestine apparue en 1996.