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Déclaration de la réunion plénière du Congrès national indigène dans la région Centre Pacifique

dimanche 13 février 2011

Congrès national indigène
Région Centre Pacifique
Déclaration du 6 février 2011

XXVIIIe Réunion plénière du Congrès national indigène, région Centre Pacifique

Communauté indigène coca de Mezcala (Jalisco)

Convoqués et réunis dans la communauté coca de Mezcala (Jalisco), les peuples, tribus et nations wixáritari de l’État de Durango ; coca, wixáritari et nahua, du Jalisco ; purhépecha et nahua du Michoacán ; naa savi, mephaa, nahua et nancue ñomndaa du Guerrero ; triqui, binnizá et naa savi de l’Oaxaca ; tzeltal et tzotzil du Chiapas ; ñahñu de l’État de Mexico et nahua du District fédéral, nous déclarons :

C’est dans la communauté coca de Mezcala, avec les connaissances et les savoirs que nous apportent l’eau, la terre, la chaleur et le cœur de notre peuple qui est l’île de Mezcala (Tlalquetepeque), que nous avons commencé les travaux de cette réunion plénière.

L’abri que nous a offert la lagune de Chapala est ce que nous racontent les anciens de la communauté de Mezcala, puisque Chapala est la mère car c’est elle qui a donné la nourriture et la vie au village ; les collines, les bois, qui nous abritent et nous donnent du travail, sont notre père ; tandis que le cœur du village est né dans l’île de Mezcala, c’est en elle que se réfugie notre mémoire et notre histoire de lutte. Ainsi, donc, l’île, les collines, la lagune, les animaux et les plantes sont notre territoire, notre histoire.

Considérant que face à la guerre de conquête néolibérale capitaliste que met en pratique le mauvais gouvernement dans nos peuples, nations et tribus, avec ses instruments pour nous diviser et nous dominer au travers de projets de production, de dons et d’aumônes, l’autonomie et la libre détermination constituent le moyen de défense de nos territoires et de notre culture, nous faisons la déclaration suivante :

Déclaration

La communauté indigène coca nous a montré la lutte de résistance qu’elle a entreprise tout au long de son histoire pour la conservation de son territoire. C’est pourquoi nous nous prononçons contre la privatisation et la manipulation du cœur de son peuple, l’île de Mezcala, étant donné que l’INAH [1] du Jalisco et le ministère de la Culture, de même que le conseil municipal de Poncitlán s’obstinent toujours à vouloir s’emparer de l’histoire de Mezcala et à la transformer en une marchandise de plus. Nous dénonçons les travaux que la CNA [2] a réalisés dans notre communauté, prétendant délimiter comme zone fédérale une superficie qui est communale depuis des temps immémoriaux.

Nous dénonçons les vingt-deux concessions minières octroyées à l’entreprise canadienne First Majestic Silver Corp. par l’État mexicain par le biais de son ministère de l’Économie, pour l’exploration et l’exploitation des minerais sur le site sacré de Wirikuta, et nous exigeons leur annulation immédiate. Nous affirmons que la vie du monde dépend des offrandes et des cérémonies que nos frères Wixáritari ont pratiquées à cet endroit depuis des temps immémoriaux ; c’est d’elles que dépend que le soleil réapparaisse chaque jour, aussi la destruction de Wirikuta serait une annonce de mort et d’extermination pour nos peuples originaires. De même, nous saluons le Front pour la défense de Wirikuta Tamatsina Wahaa, dont la parole est celle des anciens, des assemblées et des autorités du peuple wixárika [3], et nous reconnaissons l’intense participation de la société civile mondiale à cette lutte historique.

De même, nous nous opposons à toutes les attributions et concessions d’exploration et d’exploitation minières accordées dans tout le pays dans le dos de nos peuples, sans qu’ils aient été consultés au préalable, dans le but de détruire nos terres, notre culture et notre existence.

Nous renouvelons notre soutien à la communauté wixárica de Tapurie-Santa Catarina Cuexcomatitlán (Jalisco), dans sa décision d’exercer son autonomie dans les faits suivant son propre modèle de développement dans les domaines de l’éducation et de la gestion de ses forêts. Nous renouvelons notre opposition à l’exécution du projet routier Amatitlán-Bolaños-Huejuquilla sur le territoire de Tapurie.

Nous dénonçons l’invasion massive des entreprises multinationales de culture de l’avocat sur des terres qui ont été reconnues comme appartenant à la communauté de Tuxpan en 1925, invasion qui se réalise par l’intimidation des paysans qui renâclent à louer leurs terres et par l’appropriation illégale des eaux disponibles sur les pentes des volcans Nieve et Fuego.

Nous refusons la spoliation des forêts de la communauté de Cherán et de toutes les communautés du plateau Purhépecha opérée par des groupes paramilitarisés de coupe de bois clandestine dans le but de favoriser la plantation d’avocats, avec la complicité du gouvernement qui refuse de poursuivre et de punir ces groupes criminels, qui sont plutôt les bénéficiaires des projets productifs gouvernementaux.

Nous exigeons le respect de la possession par la communauté nahua de Santa María Ostula des terres qu’elle a reprises le 29 juin 2009, lieu où a été fondé le village de Xayakalán. De même, nous exigeons le respect de sa police communautaire, la fin des arrestations de comuneros pour possession d’armes à feu, et le châtiment des groupes paramilitaires qui ont assassiné, blessé par balles et provoqué la migration de dizaines de familles nahuas d’Ostula et Coire. Nous exigeons la présentation en vie des comuneros Javier Martínez, Gerardo Vera et Francisco de Asís, ce dernier étant commissaire aux biens communaux.

Nous refusons les travaux d’exploration et d’exploitation minières que réalisent des entreprises nationales et multinationales sur le territoire communal des communautés qui constituent la Coordination régionale des autorités communautaires de la Costa Chica et de la Montaña du Guerrero.

Nous exigeons la déclaration d’innocence et la libération inconditionnelle des frères amuzgos Silverio Matías Domínguez, Genaro Cruz Apóstol et David Valtierra Arango, qui ont été condamnés en première instance pour le délit fabriqué d’enlèvement afin de détruire la radio communautaire ñomndaa "La palabra del agua", de la commune de Xochistlahuaca (Guerrero) et de favoriser les intérêts de la cacique locale Aceadeth Rocha.

Nous exigeons la reconnaissance de l’Université interculturelle des peuples du sud de l’État de Guerrero, car c’est une université impulsée par les peuples indiens pour préparer des professionnels qui défendent les intérêts de leurs propres peuples.

Nous condamnons la répression gouvernementale et paramilitaire déclenchée contre nos peuples, et en particulier contre le peuple triqui d’Oaxaca, les communautés, caracoles et Conseils de bon gouvernement zapatistes du Chiapas, la communauté nahua d’Ostula (Michoacán) et la communauté tzotzil de Mitzitón (Chiapas).

Nous nous opposons au déplacement forcé de ceux qui constituent la commune autonome de San Juan Copala, et nous exigeons des garanties pour leur retour ; nous rejetons la militarisation de la région triqui et exigeons le châtiment des groupes paramilitaires qui agissent dans la zone ; nous exhortons les femmes, les hommes, les enfants, garçons et filles, les anciens et les anciennes qui constituent le peuple triqui à reconstruire l’unité de leur peuple, sans distinction d’organisations et sans l’ingérence d’intérêts extérieurs qui provoquent la confrontation au sein du peuple triqui.

Nous refusons la spoliation des territoires qui correspondent aux peuples ikoot et binnizá dans la région de l’isthme de Tehuantepec pour installer des champs d’éoliennes, spoliation perpétrée par des entreprises multinationales comme Preneal, Endesa, Iberdrola, Gamesa et Eurus, en complicité avec tous les niveaux de gouvernement.

Nous nous prononçons contre l’arrestation de 140 adhérents à La Otra Campaña, membres de l’ejido de San Sebastián Bachajón (Chiapas), par les polices fédérale et de l’État et des éléments de l’armée mexicaine, le 3 février de l’année en cours, alors qu’ils réalisaient une protestation après avoir été dépossédés du guichet des entrées des cascades d’Agua Azul par un groupe de militants du PRI [4].

Nous refusons la spoliation de terres de la communauté nahua de Tláhuac de la part du gouvernement du District fédéral dirigé par Marcelo Ebrard pour la construction sur ses terres de la ligne 12 du métro et de la "Super-voie" ouest.

Nous renouvelons notre opposition à la construction de l’aqueduc du barrage de Novillo par le gouvernement fédéral, le gouvernement de l’État et l’entrepreneur Carlos Slim, qui prétend détourner la presque totalité des eaux du fleuve Yaqui vers la commune d’Hermosillo (Sonora) pour favoriser les intérêts immobiliers, touristiques et agro-industriels du grand capital, projet qui provoquerait l’extermination de la tribu yaqui.

Nous appelons à reconnaître le rôle, le travail et les droits des femmes indigènes à l’intérieur de nos communautés et dans la lutte pour la libération de nos peuples, tribus et nations.

Quinze ans après la signature des accords de San Andrés entre le gouvernement et l’Armée zapatiste de libération nationale, nous revendiquons leur contenu et les proclamons, une fois de plus, loi suprême de nos peuples.

Nous reconnaissons l’extraordinaire travail réalisé en faveur de nos peuples par l’évêque don Samuel Ruiz tout au long de sa vie, et nous nous unissons à la douleur causée par son départ.

Nous saluons la réalisation prochaine de la XXIXe réunion du Congrès national indigène de la région Centre et Pacifique, les 5 et 6 mars de cette année, dans la communauté de Nurío, dans le but de commémorer dix ans de la Marche de la couleur de la terre et le Troisième Congrès national indigène.

Fait en la communauté coca de Mezcala (Jalisco), le sixième jour du mois de février 2011.

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Jamais plus un Mexique sans nous

Le Congrès national indigène dans la région Centre Pacifique

Traduit par el Viejo.

[1Institut national d’anthropologie et d’histoire (NdT).

[2Commission nationale de l’eau, aussi appelée "Conagua" (NdT).

[3Wixáritari est le pluriel de Wixárica, peuple appelé Huichol par les conquérants (NdT).

[4Sur cette affaire, voir notamment le courrier du CSPCL du 5 février 2011 (NdT).