Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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CE QU’ON RÉCOLTE C’EST LA MORT, PAS DES FRAISES.

Solidarité avec les travailleurs agricoles des campements de Huelva (Andalousie)

samedi 5 juin 2021

Athos, décédé le 19 mai dernier.

AVEC DES BRAISES CE QU’ON RÉCOLTE C’EST LA MORT, PAS DES FRAISES.

Encore une fois. Il y a quelques jours, le feu s’est encore une fois déclaré dans plusieurs bidonvilles d’Andalousie où vivent des centaines de journalières et journaliers agricoles qui récoltent des fraises. Encore une fois, c’est ce que nous allions écrire pour mentionner l’incendie qui s’est produit le 17 mai dernier à Palos de la Frontera, où deux cent cabanes ont à nouveau brûlé, quelques mois seulement après un incendie similaire au même endroit, en février dernier. Mais ce 19 mai, un incendie s’est également déclaré dans un autre bidonville de la région, à Lucena del Puerto, et a coûté la vie à deux personnes : Athos, un Ghanéen de 44 ans qui vivait là depuis plus de dix ans, et Esaadia, une Marocaine de 37 ans.

Malheureusement, ce drame est devenu bien trop courant dans cette région agricole où sont produits la plupart des fruits rouges consommés en Europe. Là-bas, des milliers et des milliers de personnes n’ont d’autre solution de logement que de rester dans une quarantaine de campements irréguliers, sans eau ni électricité. Ils y survivent et s’y reposent après le travail, en cuisinant ou en s’éclairant au gaz, au bois ou à la bougie, dans des cabanes faites de palettes et des bâches et déchets plastiques provenant des serres. Des conditions de vie qui, selon le rapporteur spécial des Nations unies Philip Alston, sont pires que celles des camps de réfugiés de guerre.

Il en va de même de l’autre côté de l’Andalousie, à Almeria, où la "mer de plastique", constituée de plus de 30 000 hectares de serres destinées à la production de légumes, est entourée de centaines et de milliers de ces cabanes, où survivent près de dix à vingt mille personnes, la plupart originaires du Maroc ou d’Afrique occidentale. Sans revenu suffisant pour louer, dans une région où le tourisme a fait grimper le prix de tous les loyers. Sans logement fourni par les employeurs, ni par les administrations, malgré l’énorme somme d’argent générée par leur travail. Voire sans aucun droit ni existence légale, faute de reconnaissance administrative.

Le fait est que dans ces régions de production agricole intensive, même en période de pandémie, le travail ne manque pas, et la main-d’œuvre toujours nécessaire. Chaque saison, dans la région de Huelva, 80 000 travailleuses et travailleurs sont recrutés, un chiffre qui n’a cessé d’augmenter ces dernières années avec l’extension des serres, qui couvrent déjà de plastique plus de 12 000 hectares de terres agricoles. Dernièrement, les récoltes ont dépassé le milliard d’euros d’exportations, faisant de la fraise "l’or rouge" de l’Andalousie. De là, des centaines et des centaines de camions réfrigérés partent chaque jour pour approvisionner en fraises, framboises et myrtilles les supermarchés de tout le continent. Un succès qui doit beaucoup à la surexploitation des migrants, et pour lequel les patrons locaux peuvent aller chercher des dizaines de milliers de femmes veuves avec enfants à charge jusqu’en Équateur, en Ukraine ou au Maroc, prêtes qu’elles sont à accepter n’importe quel travail pour faire survivre leur famille.
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Il y a cinq cents ans de cela, Hernan Cortes et les Espagnols ont envahi les terres mexicaines à la recherche d’or et d’esclaves. Aujourd’hui, il n’est même pas nécessaire d’aller aussi loin : les pillages, la répression et la destruction généralisée sont si brutaux partout dans le monde, que de nombreuses personnes n’ont d’autre choix que de venir sur les mêmes terres que les exploiteurs pour survivre.

Face à cela, depuis différentes régions d’Europe, nous voulons exprimer nos condoléances pour les deux personnes qui ont perdu la vie dans un bidonville à Lucena del Puerto près de Huelva, et exprimer notre solidarité avec toutes les personnes qui ont tout perdu à cause de ces incendies.

Nous exigeons une solution immédiate à leurs problèmes de logement !

Marre d’accepter sans réaction la mort des travailleuses et travailleurs agricoles
Marre de tant de mépris, de tant de dévastation.

A partir des pays où nous sommes, nous voulons commencer à nous organiser contre cette mort, pour la vie.

Et faire savoir aux patrons des exploitations de fruits rouges que pour nous, ils sont un symbole de l’exploitation et de la honte en Europe.

SIGNATURES : Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte (CSPCL - Paris), Coordination navale nord-ouest, méditerranée et francophone, Forum Civique Européen, Extinction Rebellion Marseille, Cafè Rebeldía-Infoespai (Barcelona-Catalunya), La cabane des associations Créteil, Les Maisons de l’intelligence collective, Citizens Summons (Bonn, Alemania), Comitè Acollida Zapatistes - Illes Balears i Pitiüses , CNT-AIT Tarragona, CODETRAS (Collectif de Défense des Travailleur.es Etranger.es dans l’Agriculture), Lumaltik Herriak (País Vasco), Marine Ferrieres ( Bretagne), Colectivo Armadillo (Finlandia), Redretro Sistema de Transporte Onírico ( Internacional ), BIZILUR - Asociación para la Cooperación y el Desarrollo de los Pueblos, ZAD Notre Dame des Landes - Rassemblement Intergalactique, Colectivo Paris-Ayotzinapa (Francia), CGT HUELVA (Andalucia), Mujeres y Disidencias de la Sexta en la Otra Europa y Abya Yala, MUT VITZ 31 (Toulouse et Comminges) Francia, MOVIMIENTO WiPHALA España, Groupe CafeZ (Liège, Bélgica), CVFE (Liège, Bélgica), Solidaires 31 (Francia), Collectif toulousain zapateria (Francia), Frente Sur Andalú (Andalucía), Geert Carpels, Ellezelles, Belgique, Assemblée Grenobloise d’accueil des zapatistes (Francia), Collectif TAVA Joaju (Nantes, Francia), Collectif W (Francia), collectif citoyen du rond-point des vaches ( banlieue sud de Rouen ), Kawaz (Belgica), Red Ya-Basta-Netz (Alemania), Écologie sociale Liège (Bélgica), Liège-Rojava (Bélgica)

pour rajouter votre signature (merci dans ce cas de diffuser le communiqué !) :
https://semestriel.framapad.org/p/comunicado-huelva-firmas-9nke?lang=en


Note : le 29 mai dernier, avait lieu au campement d’El Bosque, commune de Lucena del Puerto, un hommage en mémoire d’Athos et d’Essadia, décédés suite à l’incendie. Des membres de leur famille, vivant en Europe, avaient fait le déplacement.