Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Mexique : rencontre des médias libres et des radios communautaires

depuis Nochixtlan, Oaxaca, 19 mars 2017

samedi 15 avril 2017

Troisième rencontre des médias libres et des radios communautaires

Nochixtlan, 19 mars 2017

A neuf mois de la répression infligée par les forces de police fédérales et de l’Etat de Oaxaca contre les habitants de la communauté d’Asunción Nochixtlan [8 morts et des dizaines de blessés, voir ici et ], nous les médias libres, communautaires ou quel que soit le nom qu’on leur donne, nous nous sommes donnés pour tâche de nous réunir pour la Troisième rencontre nationale de radios communautaires et de médias libres dont l’objectif, tout comme durant ses deux sessions antérieures, a consisté à conserver, promouvoir et développer ceux-ci en tissant des réseaux de solidarité et de soutien mutuel qui cherchent à unir les problèmes et les espoirs proches entre les communautés et les compas investis dans la communication.

Il a été décidé que ce soit la communauté d’Asuncion Nochixtlan qui soit le siège de la rencontre pour donner du soutien et plus de couverture aux compañeros en résistance qui ont été victimes de la lâche agression du mauvais gouvernement [en juin 2016]. C’est une communauté qui est toujours en deuil, mais qui a aussi maintenu son organisation et sa rébellion. Sa radio communautaire, « la Combativa », est un espace pour la parole d’en bas. Ce sont elles et eux, les compas originaires des peuples rebelles de Oaxaca, qui sont le siège de ce tejemedios [« tisse-medias »] où nous cherchons à partager les savoirs et à les collectiviser ; à tisser des liens d’affinité, afin de renforcer la communication indépendante, depuis en bas.

Au cours de ces journées de travail, plus de 40 médias ont répondu à l’appel, présentant et rétro-alimentant leurs projets de communication. Le format de cette rencontre cherchait à promouvoir la réalisation d’ateliers qui ont permis l’échange de connaissances autour de thèmes de techniques basiques de radio, de production de radio communautaire, de streaming, d’outils de sécurité, d’investigation et de formation politique, ainsi qu’au sujet des risques encourus pour les femmes investies dans la communication.

Une des autres modalités du partage de savoirs a consisté dans la réalisation de plénières et de tables de travail qui ont permis de rendre visible la répression subie par les médias libres, ainsi que de coordonner des actions permettant de sauvegarder et de dynamiser le travail de nos compañeros investis dans la communication ; dans ce sens et tant face à la menace existante contre les journalistes que la violence envers les femmes, en a surgi la nécessité de créer un Réseau de sécurité pour les femmes des médias libres. Un espace où les compañeras (animatrices radio, photographes et autres collaboratrices des médias libres) rencontrent la protection, la sécurité et le soutien nécessaires pour réaliser une plainte sur tout type de violence exercée envers elles. Avec ce réseau, on cherche à assumer une certaine responsabilité face à ces violences, créer des espaces de dialogue et de vivre ensemble sûrs, promouvoir des espaces de résolution des conflits, ainsi que la réflexion et l’analyse critique et profonde du questionnement des femmes investies dans la communication.

C’est par notre pratique que nous, les médias libres et communautaires, nous luttons contre la manipulation médiatique imposée par les pouvoirs factices sur le peuple. Les projets de médias libres qui se sont réunis ici ont dans ce contexte accompagné et participé de manière active à différents processus d’organisation et de résistance dans les différents recoins du pays où nos voix parviennent. Mais notre parole n’est pas seulement souvent ignorée : elle a souvent, en plus, été attaquée et réduite au silence. C’est la raison pour laquelle nous dénonçons les actes de répression suivants :

-  Le harcèlement subi par le collectif Radio Zapote de la part des autorités de l’Ecole Nationale d’Anthropologie et d’Histoire depuis le commencement des activités de la nouvelle administration en janvier 2016, durant laquelle fut aussi viré de manière arbitraire le compañero Arturo Camas, qui travaillait dans l’administration de l’école, pour le simple fait d’appartenir au collectif de Radio Zapote. L’administration harcèle de manière systématique les membres de la radio par le biais des vigiles qui protègent les installations de la ENAH (et empêchent les compas d’accéder au local).

-  Le mardi 7 mars 2017, la cabine de Regeneración Radio a été saccagée : la porte a été ouverte par la force et l’équipement de transmission de la radio a été totalement perdu (microphones, câbles, casques audios, tables de mixage, émetteurs radio, et un ordinateur contenant plus de 10 ans d’archives). [[voir ici. Ce n’est pas la première fois qu’ils nous attaquent. Il est nécessaire de rappeler que le 21 septembre 2015, la cabine antérieure de la radio avait été détruite par un groupe de fachos de la UNAM, en plus des agressions physiques, des menaces de mort et de la tentative d’assassinat d’un des membres du collectif qui a reçu trois coups de couteau.

-  La confiscation et le vol postérieur par le gouvernement de la ville de Mexico de Miguel Mancera de la cabine et de l’espace de travail du Laboratoire populaire des médias libres.[[des soirées de soutien au Laboratoire populaire et à Radio Zapote avait eu lieu en janvier dernier à Paris et Montpellier. Voir ici. Des initiatives à reprendre et amplifier...]

-  Nous dénonçons également, dans l’Etat de Oaxaca, que la radio communautaire et enseignante Tuun Ñuu Savi, « La parole du peuple de la pluie » (située dans la ville de Huajuapan de León), a subi différentes agressions depuis sa fondation en 2014. Elle a été harcelée, stigmatisée comme étant une radio pirate et illégale. Les pouvoirs factices ont créé un climat délétère contre ses participants, le même qui a abouti en 2016 à l’assassinat de deux participants à la radio, Salvador Olmos García et Agustín Pavia Pavia, en plus du blocage constant de la fréquence de la station. Radio Tuun Ñuu Savi exige des autorités fédérales, étatiques et municipales que cesse la violence. Que les pouvoirs judiciaires accélèrent les enquêtes et que les responsables de ces crimes soient condamnés. Egalement que les radios de Huajuapan de León et de la mixteca émettant sous concession gouvernementale cessent de monter une campagne de dénigrement à son encontre.

-  Dans la région de la Cañada (nord-est de Oaxaca), les compañeros de la radio communautaire Ricardo flores Magón qui transmettent depuis la communauté de Teotitlan dénoncent que leur fréquence a été brouillée par CORTV (média officiel du gouvernement de l’Etat de Oaxaca).

-  Nous dénonçons également le harcèlement contre des membres de Diversa Radio, qui se sont fait annulé leur programme sur Radio Chapingo sans aucune justification.

C’est pour cela que nous proposons une coordination plus forte et effective qui nous soutienne face aux attaques contre nos médias libres et communautaires. Nous ne permettrons plus le harcèlement, les agressions et les saccages. Nous ne les laisserons pas nous faire taire.

Face à l’agression de l’Etat contre les journalistes critiques, nous nous joignons à la protestation et aux plaintes, et nous condamnons les assassinats de nos compañeros qui soutiennent, défendent et couvrent les luttes dignes du peuple.

Le Mexique vit une crise au regard de la disparition et des disparitions forcées. Ce sont les familles des disparu.e.s qui ont déterré la vérité : le pays est une véritable fosse clandestine. Nous comprenons, nous saluons, nous accompagnons et nous nous solidarisons avec l’initiative citoyenne de recherche entreprise par les collectifs et la Brigade nationale de recherche des personnes disparues, comme étant une tâche sociale fondamentale face à l’omission de l’Etat.

Nos médias libres et nos radios communautaires continueront à exiger la justice pour le village de Nochixtlan. Nous condamnons l’attentat perpétré contre le compañero Santiago Ambrosio Hernández, président de la COVIC (Comité des victimes de Nochixtlán), ainsi que les récents actes de violence perpétrés contre Felipe Montesinos, qui s’est fait tiré dessus par des personnes qui roulaient dans une camionette Suburban sans plaques, ce jour-même, à 11h du soir, quelques heures après la clôture de notre Troisième Rencontre nationale des radios communautaires et des médias libres dans la communauté de Nochixtlan. Toute agression contre les victimes du 19 juin est, et continuera à être dénoncée par tous les médias libres et les radios communautaires. Plus aucune agression sans riposte !

Nous exigeons la présentation en vie de nos 43 compañeros de l’école normale d’Ayotzinapa. Nous encourageons la lutte en cours que mènent à bien les compañeros travailleurs agricoles de San Quintin pour un digne salaire. Nous nous manifestons contre la réforme éducative et contre toutes les tentatives de privatiser nos biens naturels. Nous nous prononçons contre les sanctions, les mutations et les censures qui découlent de la réforme à la loi d’IFETEL (organisme officiel chargé du contrôle des ondes au Mexique). Pour la visibilisation, la mise en valeur et la reconnaissance des femmes assumant des tâches de communication média, de leurs problématiques, et de leurs dénonciations. Nous exigeons que cesse le harcèlement et les agressions des compas assumant des tâches de communication. Cette lutte, nous l’avons faite et nous continuerons à la mener depuis différentes communautés et différents mouvements, aux côtés du mouvement enseignant, que nous sollicitons de manière fraternelle afin qu’il se prononce en faveur de la création, de la récupération et de la défense de tous ces espaces, ainsi que des compañeros qui les font vivre.

Plus aucune agression sans riposte !

Rencontre des médias libres et communautaires

Asunción de Nochixtlán, Oaxaca, Méxique, Mars 2017.

Signataires : COVIC Comite de Victimas de Nochixtlán ; Coordinadora Nacional de Medios Libres ; Seccion XXII CNTE ; Radio La Combativa de Nochixtlan ; Ateneacalling GRECIA ; Radio Comunitaria Xadani Oaxaca ; Radio Plantón Oaxaca ; Regeneración radio DF ; Radio Voces Nuestras Voz de todos Normal de Ayotzinapa Guerrero ; Luna Negra Espacio cultural ; Radio Comunitaria Amiltzinko Morelos ; Surco Informativo DF ; Desde las nubes Oaxaca ; Radio Aguilita La Merced DF, Radio Santa Maria La Rivera DF, Radio Tuun Ñuu Savi Huajuapan Oaxaca ; Radio Xhuba huini del Itsmo Oaxaca ; Radio Comunitaria Zacacopan Eloxochitlan Puebla ; Radio Metamorfosis urbana DF ; La Voladora Radio Amecameca Edo de Mexico ; Radio Zapatista Chiapas ; Tierra Común-Rancho electronico ; Mazorca.org ; Willakanyun ARGENTINA ; Batallones Femeninos Cd Juarez ; Radio Zapote DF ; Okupa Radio Pachuca Hidalgo ; Voices in Movement EUA ; Red de Comunicadores Boca de Polen ; Colectivo Ruptura ; Diversa Radio ; Laboratorio Popular de Medios Libres ; Colectivo Forum ; Asociación de Periodistas independientes de la Mixteca ; OIDHO ; Radio Klaxon ZAD FRANCIA ; Radio Ricardo Flores Magón Teotitlan, Oaxaca ; FUDEPPA ; Radio Yaxhil ; Memoria y Territorio ; Comunicación Integral Comunitaria ; Hijos de la Tierra ; Radio Hermanos Serdan Puebla ; Radio Tacuate ; CoAATV.

traduction 7NubS